Pourquoi acheter du vin à l’épicerie ?
Je le constate très souvent. Même alors qu’un succursale de la SAQ se trouve à quelques pas d’un supermarché, beaucoup de consommateurs achètent leur vin lorsqu’ils font leur épicerie. C’est le principe du « one stop shop », le guichet unique. Question de facilité, peut-être. Après tout, nos vies sont souvent rythmées par les obligations familiales et de multiples distractions quotidiennes ( je ne parle pas ici des Pokemons). Mais…
Par Frédéric Arnould (lefred@toutsurlevin.ca)
Là où je m’interroge, c’est le peu de souci que ces consommateurs accordent au choix de leur vin et de sa qualité. Ce n’est souvent pas terrible et quand on compare le rapport qualité-prix, c’est plus cher qu’à la SAQ. Il y a des vins à 12-15$ vendus dans le monopole qui valent bien des bombes fruitées sucrées à 11$ et plus en épicerie. Ne nous voilons pas la face, l’inventaire des vins offerts en supermarchés fait souvent pitié. L’horrible côtoie le pire. Des bouteilles de vins tout droit sorties des gigantesques « vigniers » du monde industriel. Des vins maquillés avec des montagnes de sucre résiduel pour en cacher la verdeur et les tanins qui vous dégommeraient l’émail des dents en deux temps trois mouvements. Sans oublier des niveaux d’acidité contrôlés avec je ne sais trop quoi. Comme disent les Anglais, mettez du rouge à lèvres à un cochon, il reste quand même un cochon. Bref, au bout du compte, il y a là des vins racoleurs concoctés dans des « vignobles laboratoires ». Bonjour la traçabilité, aucune idée d’où proviennent les raisins, ni de ce qu’on y ajoute dans le moût. Le tout est ensuite envoyé dans ce qu’on appelle un flexi-tank, une énorme poche en plastique remplie du « vin » et acheminée par conteneurs via bateaux jusqu’ici. Ensuite, l’embouteillage se fait ici en sol canadien, bien souvent en Montérégie. Pas le choix, c’est la loi au Québec. Les vins en vrac vendus en épicerie doivent être embouteillés ici et peuvent dans certains cas mentionner le millésime. Histoire de protéger le monopole, évidemment, qui lui se garde les « vrais » produits embouteillés aux domaines du monde entier. Avec l’adoption de la loi 88, il sera désormais possible pour les consommateurs, selon Sébastien Nadeau, porte-parole de l’Association des négociants embouteilleurs de vins (ANEV), d’identifier les cépages sur les bouteilles. Par ailleurs, il serait plus intéressant de savoir quel vin disponible à la SAQ est embouteillé au Québec et quels sont ceux embouteillés au domaine d’origine. L’ANEV prétend que « bien peu de produits disponibles à la SAQ sont des vins embouteillés aux domaines et châteaux. Quant à la qualité plutôt faible en général des vins d’épiceries, Sébastien Nadeau défend le système : « Ces entreprises ont des experts œnologues qui parcourent le monde à la recherche des meilleurs produits, susceptibles de rencontrer les goûts des Québécois. » La question est de savoir sur quoi ils se basent pour déterminer le « goût des Québécois »…
Le Big Mac du vin !
Croyez-le ou non, les ventes de vins dans les dépanneurs et épiceries augmentent de façon exponentielle. En 2015, les chiffres ont bondi de 9 pour cent, pour totaliser un montant incroyable de 322 millions de dollars de ventes réalisées dans le réseau des grossistes-épiciers. En termes de volume, cela représente environ une bouteille de vin sur quatre qui est achetée dans les épiceries au Québec. À ce titre, le vin le plus vendus au Québec n’est autre que le Révolution Red, vendu dans les épiceries et dans tous les succursales de la SAQ. C’est le « Big Mac » du monde du vin. Bien sucré (11 grammes de sucre par litre, soit presque 3 fois celui d’un vin qualifié de sec), très fruité, et très passe-partout. Il s’agit d’un vin importé en vrac des États-Unis et embouteillé quelque part au Québec dans une usine du géant mondial des vins et spiritueux, Constellation Brands. Il a réussi à détrôner le kangourou de Wallaroo Trail qui caracolait sans cesse au palmarès québécois des ventes de vins.
Marketing !
Comme il s’agit de vins produits en quantité industrielle, la force du volume permet aux « manufacturiers » d’avoir de bons budgets de promotion pour se
tailler une belle place sur les tablettes d’épiceries. Ils peuvent même se permettre d’imiter un tant soit peut les étiquettes de produits réguliers, histoire de vous faire penser, « tiens cette étiquette me rappelle quelque chose ». À la maison, au moment de « déguster », on se rend bien compte que cela n’avait pas grand chose à voir avec l’original. L’étiquette de Morgan Hill se donne des airs de Oyster Bay.
C’est un sujet très intéressant.
Ces importations de vin en vrac ont augmenté de 34 % de 2010 à 2015 au Canada.
Pendant ce temps, les importations de vin en bouteille n’ont augmenté que de 12 %.
Nos monopoles d’État de vin sont de plus en plus friands des vins en vrac.
Du vin acheté en vrac à 1 dollar le litre et vendu à 12-15 dollars.
De beaux bénéfices juteux.
La SAQ vend aussi de plus en plus de ces vins en vrac mélangé ici.
Le consommateur ignore souvent que ces vins sont importés en vrac et embouteillés ici. Ce n’est pas indiqué sur l’étiquette.
En Ontario, les épiceries vont avoir le droit de vendre du vin de qualité embouteillé chez le vigneron; alors que c’est toujours interdit à nos épiciers au Québec.