SAQ : Baisse des prix et accès simplifié aux vins d’importation privée
Des réductions des prix pour certains segments de vins, une baisse des marges bénéficiaires du monopole et la possibilité de pouvoir commander des vins d’importation privée à l’unité par le biais de SAQ.com ? Voilà quelques-unes des promesses que nous a confié, en entrevue exclusive, Alain Brunet, le président et chef de la direction de la Société des Alcools du Québec.
Par Frédéric Arnould (lefred@toutsurlevin.ca)
Alors qu’il s’adressera prochainement devant une commission pour donner quelques réponses aux recommandations soulevées par le rapport du vérificateur général sur certaines pratiques d’affaires mais aussi sur le rapport Robillard à propos de l’avenir de la SAQ, Alain Brunet nous livre ici quelques annonces et projets entourant la société d’état. Des projets qui devraient, selon lui, satisfaire le consommateur.
Première baisse des prix en novembre
Y’aurait-il moins de choix de vins à moins de 15$ au Québec que dans d’autres monopoles comme le LCBO en Ontario ? Alain Brunet, le numéro un de la SAQ ne le nie pas. « C’est vrai, y’en a plus peut-être dans cette gamme-là. Mais, il y a le marché qui parle ici et le marché s’en va vers des vins à 15-18$. C’est une évolution qui n’est pas nécessairement de l’inflation, ce sont des choix de qualité, des choix de produits qui viennent avec un prix. Mais là je vais arrêter, c’est pas ce que les gens veulent entendre, ce qu’ils veulent entendre c’est qu’est-ce que vous pouvez faire pour régler les écarts, s’il y en a. C’est un objectif qu’on s’est mis de l’avant qui va prendre forme dès le mois de novembre. On va faire une première baisse de prix sur des produits, autour de 10 à 15-18 dollars, là où on pense qu’on peut réduire. C’est pas par ce qu’on négocie mal qu’il y a des écarts. La négociation des prix à la base quand on traite avec les fournisseurs, on a développé ça beaucoup au cours des dernières années et on acquis quand même une bonne expérience là-dedans… Là où il faut travailler, c’est vraiment sur la structure de majoration. »
Réduire les profits pour réduire les prix
La structure de majoration, c’est la marge bénéficiaire que se prend la SAQ sur la vente du vin et des alcools. Tout profit fait partie du fameux dividende que la SAQ envoie dans les offres de l’État. En 30 ans, cette structure de majoration n’a pratiquement pas été révisée. “La structure de majoration des prix a été faite pour favoriser les profits de la SAQ, en soi, c’est pas mauvais, c’est pas un reproche, mais qu’est-ce qu’on peut faire pour la remettre à niveau ? On a de l’argent qu’on peut investir sur la question des prix pour mettre derrière nous sur un horizon de 2,3, 4 ans, cette fameuse question des écarts de prix qui est un irritant. On va le faire graduellement dès le mois de novembre…Et que pour ce soit durable, pour qu’on n’ait plus à revenir là-dessus.“
« On a la capacité de le faire aujourd’hui, on est à la croisée des chemins.” A.Brunet
Commander sa bouteille d’importation privée sur SAQ.com ? Oui, d’ici 2 ans !
Pour l’instant, celui qui veut commander du vin d’importation privée qui n’est pas distribué dans le réseau de la SAQ, doit commander une caisse du même vin. Un processus pas toujours très facile à comprendre et surtout peu flexible. Bien des clients préféreraient pouvoir commander certains vins à l’unité. Alain Brunet se donne deux ans pour simplifier et rendre plus accessible l’achat d’IP (importation privée). « Oui, à la bouteille, plus simplement, on paie et on fait livrer ça par « cliquez, achetez, ramassez” au magasin de son coin. On a développé une infrastructure qui permet d’avoir accès à ça tout en préservant la place de l’agent qui fait l’importation. Accélérer les transformations pour en arriver là, moi je pense que d’ici 2 ans, on devrait être là. On dit souvent le diable est dans les détails,on est là-dedans, comment on peut faire ça, en phase avec tout le monde, pour le client. » En attendant, il faut encore passer par ce processus un peu plus compliqué.
Les relations de la SAQ avec l’IP
En arriver à cette simplicité du processus demande évidemment une bonne relation entre la SAQ et les nombreuses agences d’importation privée. Alain Brunet y travaille avec les regroupements de ces agences et en appelle à une mise en commun des ressources de développement. « On ne veut pas remplacer les artisans de l’importation privée, on veut leur faire une place et la faire grandir cette place. C’est dans ce sens-là qu’on veut travailler avec eux. On parle avec la RASPIPAV et on a des projets pour amener tout le monde sur la plateforme web. Tout le monde travaille sur sa propre plateforme, est-ce qu’on pourrait se donner un peu comme un tronc commun où on se rejoint tout le monde et on laisse agir les gens et on distribue le produit encore plus simplement et plus efficacement. On peut le faire tout en se respectant et en se laissant nos marges de manœuvre et nos côtés un peu plus spécifiques.” Ainsi, selon lui, l’éventail du choix serait multiplié. “On a plus de 12 000 produits, mais on a aussi plus de 20 mille produits en importation privée. Si on arrive à combiner tout ça et à rendre cela encore plus accessible, d’un coup on se ramasse dans un marché où on a 35 mille produits, puis on peut peut-être se rendre à 40 mille. Une offre aussi riche, c’est assez unique.”
« Dans l’importation y’a des gens très passionnés là-dedans qui ont la même culture mais ils la poussent encore beaucoup plus loin sur des petits producteurs avec une connaissance plus fine de certains aspects du métier, de certaines régions… Donc ça c’est riche on veut que cela cohabite bien dans l‘écosystème. » A.Brunet
Libéralisation du marché du vin au Québec ? 
Dénigrer la SAQ, c’est presque devenu un sport national au Québec. Faut-il la libéraliser, la privatiser ou favoriser le statu quo ? « C’est peu comme les Canadiens, mais avec des degrés moindres quand même, dit-il, c’est plus exponentiel avec le CH. Mais quand les Canadiens vont bien, puis c’est un peu plus tranquille, on dirait c’est la SAQ qui prend le relais, c’est la même relation amour-haine. C’est sûr c’est un défi, rester pertinent à la fois pour le consommateur et pour les actionnaires, pas juste le gouvernement, mais bien la société en général. Donc, faut accepter d’être critiqué de se remettre en question…Si on fait les bonnes choses, qu’on est une entreprise admirée pour son efficacité, la compétence qu’on a, les rendements qu’on a, mais aussi la contribution dans notre métier, la passion des produits, qu’on est les leaders…qu’on en ait pour son argent…ben la question ne se pose plus…Se poser la question sur la libéralisation, c’est un peu du temps perdu. C’est plutôt qu’est-ce qu’on doit faire pour être encore un peu plus près du client, notre avenir est là-dedans.”
La SAQ regarde de près ce qui se passe par exemple ailleurs au Canada comme la Colombie-Britannique (un monopole qui a des ventes d’environ 3,1 milliards de $ avec un profit de 1,03 milliard). Le monopole de la côte ouest a permis par exemple l’ouverture en parallèle de magasins privés d’alcools au fil du temps. “On regarde les bons coups, dit Alain Brunet, et les moins bons coups. Du côté de l’ouverture, ça a éclaté des choses et ça n’a pas toujours été au bénéfice du consommateur sur le choix, trouver les produits…On fait du balisage avec ce qui se passe au Canada mais aussi aux États-Unis. Il y a encore au moins 20 monopoles aux États-Unis. Là aussi ça évolue, il y a des entités d’états qui sont allées au privé et qui sont revenus, donc ça bouge, y’a pas une recette, y’a plusieurs éléments qu’on doit intégrer pour faire notre bonne recette à nous. Faut surtout pas se fermer à ce qui se fait ailleurs, faut toujours être ouverts à ce qui se passe sur la planète vin.”
Et la carte Inspire ?
Le lancement de la carte Inspire et l’utilisation de plus en plus pointue de cet outil est une mine d’or pour la SAQ, selon le numéro un de la société. “Avoir les outils comme la carte Inspire, c’est vraiment pour connaître le profil, les goûts puis évoluer avec le client, pour le servir mieux et plus encore dans le sens des besoins et ça nous permet d’acheter mieux, de se positionner mieux, de faire des offres ciblées…On a intégré ça dans une dynamique de personne à personne, pour enrichir la relation avec le contact de nos employés avec le client en mettant en avant-scène le produit, l’expertise, la connaissance.” Sachez d’ailleurs qu’Alain Brunet possède aussi sa propre carte Inspire. Pour savoir ce qu’il boit, cliquez ici pour lire l’article sur ses goûts, ce qu’il a bu comme premiers vins et s’il préfère boire du Pétrus, de la bière ou du vermouth… Vous y découvrirez aussi ses débuts, et ce qu’il planifie de faire après sa fin de mandat comme président et chef de la direction.
Pour écouter l’entrevue en baladodiffusion (podcast), c’est ici.