Test : Et si on goûtait du vin d’épicerie ?
La récente grève tournante des employés de la SAQ a laissé des consommateurs bien dépourvus quand l’arrêt de travail les a empêchés de se rincer le gosier. Alors, que faire ? Se rabattre sur les vins vendus dans les épiceries ? Ne reculant devant rien, toutsurlevin.ca a donc fait passer le test à une douzaine de vins vendus un peu partout dans les supermarchés et autres dépanneurs. Les résultats ? Accrochez-vous…
La sélection de ces vins s’est faite selon la disponibilité dans la plupart des supermarchés. Ce qui en soi est un défi, car lorsqu’on veut acheter un vin de la SAQ, c’est assez facile de vérifier sur Internet s’il y en a dans une succursale près de chez vous. Mais, dans les épiceries, pas de stock répertorié sur un quelconque site, puisqu’il n’y a pas de réseau comme c’est le cas avec la SAQ, entreprise monopolistique. Donc, on y va au petit bonheur la chance et bien souvent ce sont les plus grosses machines de marketing qui l’emportent. Regardez les palettes de vins qui prennent toute la place pour vous attirer le regard et vous comprendrez qui mène la danse et qui sont les vins les plus vendus en volume au Québec.
D’où viennent ces vins ?
Là est toute la question ! Vérifiez sur l’étiquette et vous remarquerez que les vins d’épicerie sont embouteillés non pas dans un domaine (les chances sont faibles qu’ils proviennent d’un seul et même domaine de toute façon) mais bien à… Montréal. Pas le choix, c’est la loi. Ces vins sont importés en vrac par bateau dans des grands conteneurs et sont ensuite embouteillés par l’un des 12 entreprises autorisées à le faire. Probablement négociés au coût de 1,50 $ le litre, ces vins sont des vins de masse avec des modes de productions difficile à cerner. À l’ère de la traçabilité et de la transparence, les zones d’ombres autour des vins d’épiceries sont nombreuses.
Tout est sur l’étiquette ?
Depuis 2016, les vins vendus en épiceries et au dépanneur peuvent afficher le cépage et le millésime. Impressionnant de qualité ? Pas forcément ! Quant aux appellations d’origine contrôlée, les AOC, pour connaître les normes de productions qui s’y rattachent, on oublie ça, c’est interdit. Donc, on n’en apprend pas plus.
La sélection pour le test de dégustation
Par conséquent, nous nous sommes rendus dans un supermarché où le choix de vins était quand même assez varié. Enfin, tout est relatif. Après plusieurs visites d’épiceries de la grande région de Montréal, nous nous sommes attardés à choisir les plus en vues et même les plus vendus selon le palmarès annuel des vins les plus vendus au Québec, un palmarès qui mêle vins de supermarchés et vins vendus à la SAQ. Car oui, les vins vendus en épiceries font bonne figure en termes de volume et de ventes. Dans le top 10 des meilleurs vendeurs, on retrouve d’ailleurs des « cuvées » telles que les Wallaroo Trail, Smoky Bay ou encore Revolution Red.
La liste
Les blancs : le vin Notre Maison, Vivre dans la nuit (insolia-chardonnay), Louis de Mericourt, La vie est belle (sauvignon blanc).
Un rosé : Bù (gris de grenache)
Les rouges : Louis Laloux, Revolution Red (Californie), Vivre dans la nuit (nero di Troia et sangiovese), Wallaroo Trail, Contradiction (merlot), Torrao (tempranillo), Smoky Bay (cabernet sauvignon australien)
Des pièges dans le test
Histoire de peut-être confondre les dégustateurs novices, nous y avons ajouté un blanc, un rosé et deux rouges, tous vendus à la SAQ et à des prix similaires, soit entre 11 et 12 $. Il s’agit du vin bio Cademusa, un vin sicilien bio à 11$, du rosé du domaine français de Cazal-Viel à 12,55$, des vins du Languedoc La Garnotte à 11,05$ et Boussac Réserve à 11,25$.
Le test
Le panel de dégustation était composé Julie-Jasmine, Mylène, Amélie, Patricia, Cendrix et François. Tous les vins ont été dégustés à l’aveugle, sans aucune mention de la provenance, des cépages ni même s’il s’agissait de vins d’épiceries ou de la SAQ. Il leur a été demandé de noter les vins sur 10, de mentionner ce qu’ils aimaient ou n’aimaient pas dans les vins, et de leur attribuer un prix qu’il serait prêt à payer pour les obtenir.
Les blancs
Commençons par les blancs. Le Méricourt a fait l’unanimité…contre lui (2/10). Le nez n’était pas net avec des arômes fromagers ! En bouche, personne n’a éprouvé de plaisir. Mauvaise bouteille ? Disons que la première impression était plutôt ratée. Pour le reste, le plus apprécié fut le seul vendu à la SAQ, le Cademusa (7,6/10) ! Les testeurs ont aimé le fruité net, la simplicité et le côté apéro sympa de ce vin. Deuxième : le sauvignon blanc La Vie est belle (7,5/10) pour ses notes florales et festives. Suivi de Vivre dans la nuit (6,6/10) que les dégustateurs ont aimé pour sa buvabilité en toute simplicité.
En général, les dégustateurs amateurs étaient prêts à payer entre 15$ et 16$. Point positif, ces vins blancs se vendaient dans l’ensemble à moins de 14$. Rappelons que le moins cher a été le plus apprécié, c’est à dire celui vendu à la SAQ !
Les rosés
Le gris de grenache Bù de Jessica Harnois et le Cazal-Viel sont arrivés ex-æquo avec 7,5/10. Tous ont apprécié la fraîcheur et le fruité des deux vins. Au final, le Bù se vend 14,79$ alors que le Cazal-Viel est à deux dollars de moins à la SAQ. Un pensez-y bien ?
Les rouges
Les résultats obtenus sont supérieurs à ceux des vins blancs. Et les deux rouges qui l’emportent sont vendus à … Vous devinez la suite, non ?
Le moins apprécié demeure le Laloux qui, selon les commentaires du panel, était « sans saveur », « acide » et manquait de consistance (6/10). Celui qui a attiré les meilleures cotes est…La Garnotte de Jean-Noël Bousquet (8.5/10). Tous ont apprécié le côté fruité, épicé et bien équilibré du vin. Et je vous le donne en mille, c’est le moins cher de tous ! En deuxième position, c’est le Boussac Réserve (8/10) vendu aussi à la SAQ, le deuxième vin le moins cher dans notre liste avec un prix de 11,25$.
Suit alors le Wallaroo Trail australien (7,5/10), apprécié pour son côté facile à boire, épicé et plutôt charmeur (sucrosité). Le Smoky Bay, vin le plus vendu en valeur au Québec est arrivé quatrième au prix de 12,79$ (+taxes). Les autres ont des cotes moindres en moyenne aux alentours de 6,5/10. Le prix qu’étaient prêts à payer nos cobayes oscillait entre 12 et 20$. Je soupçonne que le sucre résiduel de certains vins y soit d’ailleurs pour quelque chose. La « sucrosité » a peut-être enrobé le tout pour charmer.
Le verdict !
Première constatation, d’emblée, certains vins dégustés ont passé la barre du « buvable » alors que d’autres, pas du tout. Deuxième constatation, bien que certains soient buvables, ils n’ont pas d’âme. Normal, me direz-vous car ces vins sont embouteillés ici au Québec, gracieuseté de la loi. On oublie ainsi les terroirs et autre travail de la vigne selon des cahiers de charges connus. Troisième constatation : impossible de connaître les niveaux de sucre résiduel de ces vins industriels, alors qu’on les connaît pour la plupart des vins de la SAQ. Encore une fois, le processus de la vinification et les données réelles sur l’origine de ces raisins sont difficiles à vérifier. Quatrième constatation, les prix pratiqués par les supermarchés nous semblent trop élevés quand on les compare avec les vins à petits prix de la SAQ. Et à prix similaire, on préfère la qualité. Et n’oubliez pas, le prix affiché en épiceries, c’est bien beau, mais n’oubliez pas d’y ajouter les taxes à la caisse…
Nous comprenons que la facilité du one stop shop prime encore pour beaucoup (davantage qu’avant diront certains) et comme les consommateurs font rarement des provisions pour le moyen terme, les ventes de vins d’épiceries sont encore promises à de beaux jours (10 millions de litres vendus en 2016). Même si les succursales de la SAQ sont souvent proches des supermarchés.
Un conseil, la prochaine fois, faites-vous une petite caisse de bons vins pas chers comme ça vous en aurez toujours à votre disposition, même en cas de « sécheresse ». En voici 15 à découvrir : http://www.toutsurlevin.ca/les-15-meilleurs-vins-du-moment-a-moins-de-15-dollars/