Cap sur la vente en ligne pour Catherine Dagenais, pdg de la SAQ
Depuis son entrée en fonction à la tête de la Société des Alcools du Québec il y a quelques mois, Catherine Dagenais est restée plutôt discrète sur ses objectifs et l’avenir de l’entreprise. Mais, elle fourmille de projets dont le fameux virage numérique ambitieux pour la vente des produits et l’inclusion de l’importation privée dans l’offre sur SAQ.com. Portrait d’une infidèle quand vient le temps de choisir son vin, à lire et à écouter en balado avec un bon verre de Meursault.
Installée dans les nouveaux bureaux sur la rue Tellier dans l’Est de la ville, Catherine Dagenais, dans sa robe couleur bordeaux finement ajustée (prête pour la séance de photo officielle qui suivra cette entrevue) a une vue imprenable…sur un entrepôt. On ne peut pas dire que les environs soient bucoliques dans ce quartier industriel car on est loin des anciens bureaux qui avaient du cachet dans la Maison du gouverneur au Pied du courant, proche du pont Jacques-Cartier. « Mais j’ai quand même une vue sur les vignes de la SAQ ! « renchérit-elle. C’est en effet devant la baie vitrée de son bureau que trône le vignoble urbain mis en place par Véronique Lemieux, l’instigatrice de Vignes en ville. « On aura peut-être une cuvée pour les 100 ans de la SAQ (en 2021), se plaît-elle à imaginer.”
Catherine Dagenais et Véronique Lemieux dans le vignoble urbain de la SAQ
Détentrice d’un MBA exécutif (McGill-HEC Montréal) et d’un baccalauréat en administration des affaires, la nouvelle pdg de la SAQ n’est pas vraiment une nouvelle venue dans l’organisation puisqu’elle est entrée en l’An 2000. Mais, pour trouver son lien initial avec le vin, il faut remonter un peu plus loin, dans sa prime jeunesse lorsque son grand-père travaillait au sein de l’agence de vins et spiritueux Herdt & Charton. (devenue depuis 1988, Charton Hobbs) « Les caisses de beaujolais nouveau, la fiesta de beaujolais nouveau, c’est sûr qu’on la vivait chez nous. J’ai appris un petit peu le monde du vin à travers mon grand-père. »
Vous ne serez donc pas surpris d’apprendre que le premier vin qu’elle a bu était un beaujolais de Mommessin qui était représenté par son grand-père.
Pourquoi devenir PDG de la SAQ ?
« J’ai accepté parce que j’ai grandi à la SAQ, j’ai relevé des défis, j’ai implanté des programmes visibles de la clientèle notamment « Cliquez, achetez, ramassez », la carte Inspire avec toute l’équipe et je voulais amener la SAQ à une autre étape, l’étape des 100 ans. »
Nommée personnalité numéro 1 du palmarès de la Revue des vins de France
Après avoir succédé à Alain Brunet l’an passé, elle s’est retrouvée en couverture de la Revue de vins de France comme la numéro un du classement des 200 personnes les plus influentes dans le milieu du vin français. Première acheteuse de vins de l’Hexagone dans le monde, la SAQ est en effet incontournable. Juste en 2017, l’entreprise a acheté et revendu au Québec plus de 800 millions de dollars de produits de vignerons français.
« Parfois, les gens ne réalisent pas qu’on a tout un impact dans l’achat du vin… »
Grands projets pour la SAQ
Sa priorité la plus évidente demeure le commerce en ligne. Car, pour l’instant, les achats sur SAQ.com peinent à dépasser un peu les 2 %. Un chiffre famélique mais qui place quand même le Québec selon elle, en tête du peloton en matière de ventes de vin. Les clients préfèrent donc et de loin l’expérience en succursales notamment pour les conseils. « Le vin est un produit cher et cassant, lourd et cher à transporter… et puis il y a l’âge du client à vérifier lors de la livraison. » Et elle ajoute que plus de 40% des clients de la SAQ qui achètent du vin vont le consommer le jour-même. Donc la vente en ligne semble donc moins indiquée. « Mais, il y a un autre 40% qui vont acheter et le consommer dans les 3 jours donc là si je rends mon service de vente en ligne plus court, c’est à dire que je donne un délai de livraison possible de 24 heures, là soudainement, je viens d’ouvrir à plus de clients. » Son objectif souhaité, même s’il fait frissonner certains de ses collègues ? « Mon équipe, quand je leur dis le chiffre, ils sont inquiets”…dit-elle en riant.
L’objectif :
La SAQ vise ainsi à décupler les revenus générés par les ventes en ligne de produits. À titre d’information, en 2018, il s’est vendu pour 38,7 millions de dollars de vins et spiritueux sur SAQ.com. L’objectif serait donc d’arriver à vendre pour près de 390 millions de dollars grâce au site.
Mais, elle ajoute du même souffle que les clients veulent parler aux conseillers de la SAQ (en succursales), être rassurés sur leurs achats, en apprendre davantage sur un produit. « D’où aussi l’importance de faire évoluer nos magasins pour poursuivre l’histoire d’amour entre les Québécois et la SAQ. »
Importation privée sur SAQ.COM
Le site internet du monopole commence à dater, et pour cause puisque au départ il y a 20 ans, c’était plus pour avoir une vitrine que de faire du commerce en ligne. Résultat, dès septembre prochain, saq.com sera complètement revampé, ce qui devrait permettre ultérieurement d’offrir la possibilité aux clients d’acheter à l’unité sur le site des vins vendus habituellement par des agences de promotion, selon la formule d’importations privées. « Parce qu’actuellement, le système qu’on utilise pour coder les produits d’importation privée n’est pas compatible avec notre système saq.com. » Une amélioration donc nécessaire, mais offrir un tel service ne relève-t-il pas d’un cauchemar de logistique en vue ? « Avons-nous la capacité physique, l’espace ? On n’a pas encore toutes les réponses, répond Catherine Dagenais. Mais dans le passé, les importations privées étaient physiquement ici dans les entrepôts, mais y’a rien qui empêche dans le futur de permettre au client de commander ce qu’on appelle du “hors-stock. » En utilisant par exemple, les infrastructures de transport. Mais qui va payer ? Ça, c’est une autre histoire… Et ce serait pour quand ?
Le plus tôt serait le mieux, mais se pencher sur cette possibilité ne se fera pas avant février 2020, estime la pdg de la SAQ.
Baisses ou hausses de prix ?
Lors des deux dernières années, les prix de 1600 produits courants ont connu des baisses substantielles avec des chutes de 1,40$. La pression à la baisse provenait surtout de la proximité avec l’Ontario, où le monopole d’État parvenait à offrir les mêmes vins à des prix défiant la concurrence québécoise. “Quand on a baissé les prix, c’était parce que le client disait haut et fort que la SAQ n’était pas compétitive…”
Aujourd’hui, une sorte d’équilibre semble atteint sur une vaste gamme de produits. Sur les 400 produits disponibles tant à la SAQ qu’au LCBO, seulement 90 restent plus chers au Québec, la majorité sont au même prix et une centaine sont moins chers qu’en Ontario. Alors faut-il s’attendre à d’autres changements de prix ? Tout dépendra des demandes de hausses et de baisses de prix émanant des producteurs de vins, répond-elle.
Questions en rafale
Votre vin préféré ? « Je n’en n’ai pas. C’est une réponse politiquement correcte, ça… Bien, je vais répondre le Meursault. Mais j’aime les vins français, italiens et espagnols. J’achète des vins argentins, américains. Je ne suis pas fidèle, j’aime découvrir. »
Votre vin d’île déserte ? « Je vais dire le Meursault, pourquoi pas… »
Le vin que vous devriez boire tous les jours ? « Ce serait beaucoup trop, tous les jours… Je n’ai pas de nom en tête. Je bois plus de rouge que de blanc. En fait, si je devais boire du vin tous les jours, je pense un petit verre de vin rosé, ça me plaît. »
Le repas et le vin du condamné avant la chaise électrique ? « Moi, j’adore manger, je suis gourmande. Spontanément, moi j’adore les pâtes, donc avec un bon verre de vin rouge, un chianti. »
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour votre mandat de 5 ans ? « De l’équilibre… Comme dans le vin… oui… »
Pour en savoir plus sur le sempiternel spectre de privatisation et /ou libéralisation de la SAQ, et sur les Canadiens de Montréal (oui, oui…), voici la balado (podcast) à écouter ici :