Et si on buvait du Bourgogne ?
Réduire la Bourgogne aux deux cépages principaux que sont le chardonnay et le pinot noir n’est pas en soi une erreur ni un affront aux Bourguignons. Bien sûr, il y a aussi, dans une moindre mesure du gamay et de l’aligoté. Mais alors que certains vignerons se targuent d’avoir une centaine d’appellations sur un tronçon de 250 kilomètres de long du nord du Chablis au sud du Maconnais, d’autres préfèrent parler en termes de « climats ». Ainsi, il y en aurait plus de 1200 en Bourgogne et toute une diversité qui en résulte.
Par Frédéric Arnould (lefred@toutsurlevin.ca)
Si vous aimez le pinot noir bourguignon, vous aurez probablement remarqué qu’il est souvent difficile d’être satisfait avec des vins à prix démocratique, confectionnés à partir de ce cépage fragile. Ce raisin qui fait souvent des siennes dans le vignoble peut aussi bien donner des vins aussi ordinaires qu’extraordinaires. Un « bon » pinot noir « rassasiant» de la Bourgogne en bas de 20 dollars ? Appelez-moi si vous en avez trouvé, je suis preneur, quoique sceptique… Pour l’autre cépage de la région, le chardonnay, la tâche est pas mal plus évidente. Un raisin robuste, très malléable et qui vous donne droit à une diversité de qualité plutôt assurée. Rater la vinification et produire un mauvais chardonnay relève probablement d’une absence de savoir-faire et de compétence.
L’une des maisons bourguignonnes les plus connues est assurément celle d’Albert Bichot. Si les appellations Gevrey-Chambertin, Aloxe-Corton, Vosne-Romanée et Meursault vous sont plus ou moins familières, il y a fort à parier que vous les ayez expérimentées par l’entremise des domaines Bichot. Reconnaissez-vous la biche sur l’étiquette ? (Biche…Bichot…facile, non ?)
Fondée en 1831, la maison est, depuis 1996, dirigée par Albéric Bichot, de la sixième génération familiale qui surveille 100 hectares de vignobles. De passage à Montréal, ce jovial gentilhomme au sens de l’humour et de la répartie divertissante a débouché quelques-uns de ses nombreux vins. Commençons par les blancs avec un excellent rapport qualité-prix, le chardonnay « Secret de famille » 2012. Gras en bouche, ce « petit » chardonnay est puissant, fruité, vif, avec des arômes de pêche blanche et des notes de chêne grillé, résultat d’un savant dosage en barrique. Pour 23,95 $, on en a pour son argent. (Disponible d’ici quelques mois à la SAQ)
Une sérieuse coche plus haut avec le Domaine Long-Depaguit Chablis Premier cru, les Vaucopins 2011. Dans la Bourgogne, il existe une échelle de qualité d’appellation. En bas vous avez l’appellation régionale, puis, l’appellation communale, suivie de la dénomination premier cru et tout en haut, vous vous délectez de l’appellation grand cru. Dans le cas de ce Chablis premier cru, on a droit à une sacrée belle complexité. Typiquement chablisien dans le style, (minéralité au nez, des notes de pierre à fusil et de fumée), ce chardonnay grande classe m’a donné l’impression d’une belle plénitude en bouche avec des arômes d’abricot, des notes de beurre frais et une belle acidité revigorante.
Plus cher que bien des Chablis (36,25$) mais quand on veut se faire plaisir…on ne compte pas. Pour les plus fortunés, osez la Moutonne, Chablis Grand cru. Le 2005 « pululle » d’arômes d’abricot, de miel avec une belle fraîcheur en bouche. Long et complexe… (91$)
Place au pinot noir
Je le répète, rares sont les pinots noirs en bas de 20 dollars qui en valent la peine. Ces bourgognes génériques sont toutefois là pour occuper les tablettes et contenter malgré tout une clientèle toujours avide de ce cépage. Si vous êtes toutefois ouvert à la découverte, je vous recommande parfois d’aller voir vers les pinots noirs du Nouveau monde. Totalement différents des bourguignons mais on en a souvent plus pour son argent. Bref, la maison Bichot a quelques pinots noirs génériques sur le marché canadien.
Par contre, d’ici 5-6 semaines, sa version rouge du « Secret de famille 2012» va apparaître sur vos tablettes. Et franchement, je vous la recommande très chaudement. Pour 22$, c’est un pinot noir « plaisir » qui fera les belles soirées entre amis. Des arômes de griottes, de kirsch, de fruits rouges mûrs encadrés par un léger boisé qui contribue à un sérieux indice de « buvabilité ». Bougrement agréable. Faites provision…
Montons d’un cran avec les appellations « de luxe » en dégustant le Vosne Romanée 2012. Un pinot noir « haute couture », complexe avec des arômes de sous-bois, de fruits rouges confiturés, un nez épicé ainsi qu’une acidité vivifiante en bouche. Des notes boisées et des tanins veloutés qui contribuent à une belle longueur en bouche. Évidemment, comme tout Vosne Romanée, ce n’est pas donné (67,25$) mais quel bonheur dans le palais.
Tant qu’à se faire plaisir ou faire plaisir aux autres, pourquoi ne pas se ruer sur l’appellation Gevrey-Chambertin, qui produit des Bourgognes qui peuvent mûrir longtemps en cave. Le Domaine du Clos Frantin Gevrey Chambertin « Les Murots » 2012 rentre vraiment dans ma palette de pinot noir de là-bas. Un nez opulent (Hello Bourgogne!), une myriade de fruits rouges bien mûrs et de fruits noirs, des notes animales, de sous-bois, tout y est. Ce vin est encore jeune, donnez-lui du temps et il vous récompensera. (65,25$)
D’autres bons blancs à découvrir
À côté des appellations plus connues et plutôt classiques (parfois clichés) se trouvent des vins remarquables qui en offrent parfois autant côté rapport qualité prix. Plus au sud, vous dénicherez un chardonnay pas piqué des vers. Le Mâcon Fuissé, le Haut de Fuissé de Pierre Vessigaud 2013 regorge au nez de minéralité, de fleurs blanches et de notes tropicales. En bouche, il est tantôt vif, tantôt huileux. Une finale qui dure et nous titille le palais. Bravo ! (25,45$)
Sortons du chardonnay et plongeons le nez le premier dans l’autre petit cépage bourguignon. L’aligoté est à la base de vins blanc clairs, acides et disons-le plutôt légers. C’est le vin que l’on utilise pour faire entre autres, le kir (avec la crème de cassis). Le Bourgogne aligoté, Champs Pernot, 2014 de Thomas Bachelder n’est pas le moins cher du marché (24,05$), mais quel plaisir. Pomme verte, pamplemousse, frais et vif en bouche, que demander de plus…
Deux pinots noirs pour terminer
Sortons aussi des appellations classiques pour découvrir le Givry Premier cru Les Bois Chevaux 2013 de Didier Erker. Des fruits rouges, des notes d’épicés sucrées et légèrement animales, avec une bonne trame tannique en font un pinot noir qui vaut le détour. On n’est pas sur la prestigieuse Côte d’or mais bien sur la Côte Chalonnaise, résultat, on en a pour son argent. (29,50$)
Enfin, un classique que je revisite de temps à autres avec toujours le même plaisir, le Mercurey du Domaine Michel Juillot 2013. Rien de très compliqué, juste un pinot noir agréable rempli de fruits rouges (framboise, mûre sauvage et cerise) et quelques tanins serrés mais qui vont se d’étendre d’ici un an ou deux. (29,80$) À la bonne vôtre !
Et autant continuer à jouer Bourgogne pour l’apéritif à la mode du chanoine kir, avec un Cassis de Bourgogne Vedrenne IGP , toute nouvelle appellation labellisée.
Une appellation à découvrir en effet et ce bon vieux Chanoine Kir à redécouvrir également.
Merci pour votre commentaire.