Faut-il se fier aux dégustateurs du vin ?
Ils nous guident à travers leurs notes. 98 points par-ci, 4 étoiles par-là, 18 sur 20 là-bas…Ces cotes sont le fruit des dégustateurs, chroniqueurs et autres conseillers en vin. Mais, que faut-il en penser ? Quelle est la valeur de ces appréciations ? Sont-ce des indicateurs essentiels pour acheter vos bouteilles de vins ?
Par Frédéric Arnould (lefred@toutsurlevin.ca)
Il suffit de se promener dans les magasins des monopoles (SAQ, LCBO et autres), les cavistes ou les supermarchés en Europe pour apercevoir ces petits macarons arborant fièrement les appréciations chiffrées des grands pontes de la dégustation du vin. Que ce soit celles du Wine Spectator, de Decanter ou de Robert Parker, ces pastilles accolées aux étiquettes de prix donnent une idée au consommateur de ce à quoi s’attendre en termes de qualité. Mais de quelle qualité parlons-nous ? Et selon quels critères ?
La « Parkerisation » du vin
L’un des meilleurs exemples de ces ayatollahs de la note demeure Robert Parker. Cet avocat américain a « révolutionné » le système de cotation, notamment pour les grands crus de Bordeaux. Les notes sur 100 sont devenues, grâce à lui (à cause de lui ?) la norme. Le problème, c’est que son palais aimait beaucoup les vins très concentrés, solides, avec un accent mis sur l’extraction du fruit. Avec sa notoriété planétaire, les châteaux tremblaient à l’idée de recevoir des notes au-dessous de 90 sur 100. Résultat, certains ont suivi le diktat des notes de Parker et ont changé leur façon de faire pour lui plaire et se garantir de bonnes notes qui seront synonymes de grosses ventes. Au diable la typicité… Et, le consommateur lui a emboîté le pas, guettant les meilleures cotes dans les magasins de vins. Rien ne garantit qu’il va aimer ce vin par contre…
L’exemple des Bordeaux
Prenez le cas des Bordeaux dégustés en primeur par les grands pontes de la dégustation qui sont invités à les « découvrir » deux ans avant qu’ils ne soient sur le marché. Ces messieurs et mesdames vont goûter, non seulement un vin qui a à peine quelques mois d’existence, après que les raisins aient été cueillis et pressés, mais de plus ils vont goûter ce « jus » en sachant très bien qu’il s’agit de tel ou tel grand cru classé. Parce que oui, la plupart ne dégustent pas du tout à l’aveugle. Ils testent ces vins au domaine. Mais, imaginez s’ils devaient goûter ces vins à l’aveugle et qu’ils donnent une note inférieure à 90 à un Latour ou un Mouton-Rothschild, ce serait un crime de lèse-majesté. Le système pourrait s’écrouler…
Recalé avec 74% ?
Au Québec, même la SAQ et les agences d’importation privées ont fait de ces notes chiffrées un argument de vente pour certains produits. Ce vin rouge a obtenu 93 points selon Machin Chose, celui-là est a eu une note de 88 sur 100 selon Machin Chouette. Mais, bien sûr, vous ne verrez jamais de vins ayant obtenu 82 points ou pire juste 74 points ! Or, il me semble que 74 sur 100, dans mon temps suffisait amplement à réussir son année scolaire. Dans le milieu du vin, apparemment, un « rejeton » qui fait 80 points ne peut figurer sur nos tablettes. Imaginez, découvrez ce vin rouge épicé et corsé, avec sa cote de 81 points… Aucune chance qu’il trouve preneur aux côtés de ses compagnons de tablette affichés à 92 points selon Parker, The Wine Spectator et consorts. Et pourtant… Et puis comment comparer l’incomparable ? Un Bourgogne qui a obtenu 94 points est-il moins bon qu’un Bordeaux qui en a récolté 96 ? Bref, oublions les notes…
Révolution de palais
Personnellement, j’aime constater que, lors de dégustations entre gens du milieu, des vins décrochent la timbale auprès de certains dégustateurs alors que pour d’autres, ils ne passent pas la rampe. Bien sûr, il y parfois un certain « effet de meute », certains se rangeant derrière l’avis des autres. Je vous rassure, c’est plutôt le cas de « chroniqueurs vinicole » du dimanche, « insécures » et bien souvent peu formés à l’art de l’appréciation. Mais, en général, ces divergences d’opinion prouvent que les goûts et les palais diffèrent. Ce qui m’amène à vous, chers lectrices et lecteurs.
Y’a-t-il un quelque chose de plus subjectif que l’appréciation du vin ?
Effectivement, peut-être, ces notes peuvent guider les néophytes qui cherchent du bon vin à boire. Mais en même temps, le plaisir du vin n’est-il pas de se découvrir des favoris en choisissant l’aventure, en prenant des risques ? Lire l’étiquette en ignorant les recommandations « chiffrées » de tel ou tel bonze du vin, vous donnera certaines informations sur l’origine du vin, sa vinification, des arômes et même parfois ses suggestions d’accords mets-vins.
Dans le fond, que veut-on savoir ? Qu’un vin est bon, bien fait, qu’il nous donnera du plaisir et qu’il a « un petit goût de revenez-y ». Pas besoin de s’épivarder sur des notes kilométriques, des cotations sur 20, 100 ou 1000. Entreprenez la révolution de palais et goûtez à votre guise. Après tout, vous êtes le meilleur juge pour savoir ce que vous aimez, selon vos goûts. Le vin n’est pas une affaire de mathématiques, mais bien de plaisir et découverte… À la bonne vôtre !
Totalement d’accord, vive la diversité !!!
Merci Denis ?