Jessica Ouellet, la sommelière québécoise qui fait du vin en Alsace
Quand on l’écoute, on ne peut pas ne pas remarquer son accent qui se promène quelque part entre Windsor, sa ville d’origine estrienne et la France, sa patrie d’adoption depuis trois ans et demi. La sommelière Jessica Ouellet fait maintenant du vin en Alsace avec son vigneron de mari.
Celle qui a étudié la sommellerie à l’ITHQ de Montréal s’est ensuite fait la main dans les vignobles de France, d’Italie, d’Allemagne, et de Nouvelle-Zélande. De fil en aiguille, le destin a mis sur son chemin lors d’un stage en Nouvelle-Zélande…un Alsacien du nom de Pierre Wach. C’est en 1748 que la famille Wach a fait ses débuts dans le domaine du vin, d’abord en tonnellerie, puis ensuite comme vigneron propriétaire de père en fils depuis 1888.
Il aura fallu à Jessica quelques années de travail dans le domaine de la restauration (notamment à l’Hostellerie La Cheneaudière où elle détenait les clés de la cave de ce Relais et Château) avant de faire le saut vers la vigne aux côtés de son conjoint. Depuis, elle officie sur un vrai petit domaine familial à la production en agriculture raisonnée sur 8 hectares et qui donne, bon an, mal an, 45 000 bouteilles. Idéalement, confie Jessica, le domaine Wach aimerait passer au bio et à la biodynamie, mais ce n’est pas toujours facile à cause du relief des terrains qui sont parfois à un angle de 45 degrés ! Plutôt compliqué donc de devoir se conformer à des équipements qui ne sont pas adaptés à ce genre de terrains.
Si elle a fait le saut dans la viticulture, recommande-t-elle à tous ceux qui veulent se lancer de le faire ? « C’est beaucoup de temps et de travail, tu sais, quand la vigne se réveille au printemps, cela demande beaucoup d’attention. Faut savoir à quoi s’attendre. C’est un peu comme ceux qui aiment manger au restaurant et qui veulent ouvrir un restaurant, c’est deux choses bien différentes. » Inutile de dire qu’elle ne regrette pas une seule seconde son choix.
Jessica Ouellet et son amoureux de vigneron, Pierre Wach
Des vins d’artisan
Mais que produit le Domaine Wach? « Ce sont des vins d’artisan vigneron qui sont faits avec cœur et passion et qui expriment vraiment le cépage notamment le riesling, explique Jessica. Des vins tout en dentelle, tout en finesse, purs, cristallins en bouche, droits et qui tiennent la route parmi les grands crus (10 ans et plus). » Pas question pour l’instant de voir prochainement une cuvée Jessica car ce n’est pas le style de la maison de baptiser de prénom des crus, puisqu’on se conforme aux appellations de grands crus du riesling.
Et la sommellerie dans tout ça?
Ce n’est pas parce qu’elle a les deux mains dans le terroir qu’elle oublie son métier, puisqu’elle continue d’écrire sur son blog et pour différentes publications. « Tout cela se poursuit avec ce côté pédagogique, les dégustations pour ne pas perdre la main. » Et les dégustations font moins mal au portefeuille en Alsace qu’au Québec. Selon elle, l’Alsace reste un endroit où l’on peut trouver beaucoup de diversités de vins, bien plus que dans le Bordelais, la Bourgogne et autres régions vinicoles. Mais cela reste évidemment très franco-français. On est loin du choix de la SAQ, dit-elle. « Et quand certains cavistes français se spécialisent dans les vins d’ailleurs c’est pas très folichon, ce sont des vins rouges très costauds ! » Étonnant en effet dans une région où les blancs fruités pullulent. « On est quand même hyper choyés à la SAQ, les clients devraient se rendre compte que le choix est énorme ». Mais pas assez pour convaincre Jessica de plier bagages et de revenir au bercail québécois ! Où se voit-elle dans 10 ans ? « Toujours dans les vignes avec Pierre, bien sûr… »
On déguste !
Pour l’instant, il y a un seul flacon à la SAQ, mais quel vin ! D’autres cuvées de pinot gris et de gewurztraminer sont disponibles chez Tanium.
Domaine Wach, Riesling Grand Cru, Kastelberg, 2014, Alsace
Attention, c’est du sérieux ! Ce Kastelberg est sec et bien construit. Beaucoup de citron vert au nez mais surtout cette jolie minéralité qui s’exprime avec ses notes de pierre mouillée et de pierre à fusil. Une superbe acidité alsacienne qui fait saliver et qui laisse présager un beau mûrissement en cave pour les plus patients car c’est un riesling puissant qui ne demande qu’à s’épanouir. Homard grillé, plats de poisson en sauce ou poulet grillé devraient lui rendre justice. Quantités évidemment très limitées à la SAQ. (45,25$)