La prescription du Docteur Catena : du vin !
Elle parle au moins quatre langues, est un véritable puits de science, connaît les affaires vinicoles du domaine familial sur le bout des doigts, est devenue l’icône du vin argentin, bouillonne d’énergie et d’intensité, (ce qui, je pense, lui fait paraître 10 ans de moins que son âge), a lancé son propre domaine de vins il y a 16 ans et a fondé un centre de recherche de la vigne. Ah oui, j’oubliais, elle est bardée de diplômes et est aussi médecin urgentologue ! Voici l’histoire de Laura Catena…
Par Frédéric Arnould (lefred@toutsurlevin.ca)
Elle a les yeux qui pétillent quand elle raconte l’histoire de sa famille de vignerons et les souvenirs de sa prime jeunesse. Laura Catena fait partie de la quatrième génération des Catena, une famille d’origine italienne qui a émigré en Argentine au 19ième siècle. Celle que son grand-père avait surnommée affectueusement la “Lauchita” (petite souris) parce que, petite fille, elle courait partout.
Plongée dès sa plus tendre enfance dans les vignes, son père ne l’a jamais forcée à travailler dans le domaine vinicole, préférant lui laisser le champ libre pour ce qu’elle voulait vraiment faire. Son déclic, elle l’a eu lorsqu’elle s’est rendu compte qu’elle voulait “aider le monde”. Tout naturellement, la médecine s’est présentée sur son chemin.
C’est donc en 1988 que Laura Catena décroche son premier diplôme de l’université de Harvard, un diplôme auquel elle ajouta son doctorat en médecine de l’Université Stanford. C’est alors qu’elle fit un stage en orthopédie au Harbour-UCLA Medical Center et rencontra son mari. La suite ? Trois enfants plus tard, elle mène toujours de front, depuis San Francisco, une double carrière de médecin urgentologue et de gérante des affaires de la famille Catena. Une semaine par mois, elle est en salle d’urgence, le reste du mois, elle partage son temps tantôt entre la supervision des vins à distance (dégustation des échantillons et recommandation) tantôt, dans le rangs de vignes à Mendoza. Tout ça en gérant aussi la planification stratégique de l’ensemble des vignobles et des investissements sans oublier la gestion des ventes et du marketing à l’échelle mondiale.
Médecin et vigneronne
Mais comment gérer son temps entre ses emplois, les enfants et la vie de couple ? Son secret : la méthode B+ ! Une façon de donner une échelle de priorités pour tout ce qu’elle fait. “S’occuper de patients, c’est un A+ dit-elle. Apporter à l’école le lunch oublié par ses enfants ? Un F !” Bref, une vraie superwoman du vignoble qui vous fait, bien malgré elle, parfoit sentir paresseux…tellement elle est active.
Les vignobles Catena sont localisés dans la région de Mendoza, au pied des Andes. Les Catena sont les rois du malbec, mais pas n’importe lequel, le malbec qui a sur s’ériger au rang des meilleurs vins, non seulement de l’Amérique du sud, mais aussi en comparaison de la Veille Europe, car les vins Catena ont fait moisson de récompenses et de critiques dithyrambiques de la part des connaisseurs d’ici et ailleurs.
La reine du malbec
Parlez-lui du malbec, le cépage fétiche de l’Argentine et elle s’emballe. De passage à Montréal pour faire goûter ses vins aux connaisseurs, elle demanda à l’assemblée : “Savez-vous de quand datent les premiers malbecs ?” Bien des mauvaises réponses fusèrent de toutes parts jusqu’à ce qu’elle annonce fièrement que le malbec fut servi au mariage d’Aliénor d’Aquitaine et de Henri II en 1152 ! Bref, ce cépage cadurcien (Cahors) et utilisé en assemblage encore aujourd’hui dans les Bordeaux fait vraiment la fierté de l’Argentine Catena.
Docteur Catena fait en tout cas du malbec de haute voltige depuis bien longtemps,son père ayant décidé de planter ses vignes en altitude, histoire d’y ajouter de la finesse. “On plante dans des endroits plus froid mais avec beaucoup de soleil. Ce que Catena a développé, c’est la plantation en parcelles, une idée qu’elle a emprunté à la Bourgogne, là où les “parcellaires” prennent toute leur signification, en créant de micro-terroirs. Ses chardonnays, par exemple, car oui, on ne fait pas que du malbec en Argentine, loin s‘en faut, sont absolument remarquables. La finesse de son “White Stones” et de son “White Bones” est très belle. Le côté tranchant du fruit avec ses notes de sol de calcaire a une superbe longueur en bouche. Bien sûr, à 100 dollars, ce n’est pas donné, mais quelle belle surprise.
Son malbec le plus vendu et le plus exporté reste assurément celui qui est toujours disponible à la SAQ à 21,45$. Un joli fruité avec des notes florales, des tanins fins et un soupçon de bois font de ce vin, une aubaine qui ne déçoit pas. Un vrai vin “plaisir” avec suffisamment de profondeur pour se régaler sans lourdeur.
Cuvée haute couture
Pour le côté haute couture de chez Catena, il y a la cuvée Nicolas, un petit chef d’oeuvre d’assemblage de cabernet sauvignon et de malbec. Là, on monte d’un sérieux cran de complexité et de richesse en bouche. Là encore, on défonce notre budget habituel, mais ce genre de grand cru le vaut bien. Le problème demeure encore (mais de moins en moins, petit à petit) dans la réticence des consommateurs à être prêts à payer plus de 100$ un vin argentin. C’est sensiblement le même problème auquel fait face le Portugal avec ses vins haut de gamme. Même si d’un point de vue qualitatif et originalité, ces vins n’ont pas grand chose à envier aux grands crus d’autres régions “confirmées”, il reste que le tout doit cheminer dans l’esprit des amateurs de vins. Mais, rien pour freiner Laura Catena, ambassadrice argentine du vin, qui sait que son pays a fait des bonds de géant depuis les 20 dernières années.
Si le cœur vous en dit de goûter les vins plus “personnels” de votre nouvelle docteure préférée, sachez que la SAQ a quelques flacons de son domaine Luca. Son malbec (28,35$) vaut aussi le déplacement. On rencontre ici le fruit charmeur du cassis, de discrets arômes de réglisse, des tanins serrés et le petit côté moka délicat. Le genre de prescription qu’on aimerait que Laura Catena nous envoie sous forme d’ordonnance hebdomadaire. À la bonne vôtre !