La soif d’apprendre de Véronique Rivest
Après la folle aventure du concours du meilleur sommelier du monde au Japon en 2013, où elle a conquis la deuxième place de ce prestigieux podium, Véronique Rivest a posé ses valises. En tout cas, pour faire grandir son plus récent bébé, son bar à vin « Soif » à Gatineau. Mais, que pense-t-elle des sommeliers aujourd’hui, du monopole de la SAQ, des guides du vin ? Quels sont ses projets futurs ? Entrevue « fleuve » sur la terrasse avec une vraie professionnelle, généreuse et avide d’en apprendre toujours plus.
Par Frédéric Arnould
Son métier de sommelière, il est arrivé au hasard des rencontres. Mère allemande, père québécois, l’alcool n’était jamais tabou à la maison. Même si elle ne se rappelle pas du premier vin qu’elle a bu, son amour pour le jus de raisin fermenté s’est développé au fil du temps.
En fait, Véronique Rivest a flirté avec le milieu d’abord dans un emploi d’été dans la restauration alors qu’elle est encore aux études à 16 ans. Mais, pas de plan de carrière dans le domaine. En fait, elle choisit plutôt de faire un baccalauréat en littérature moderne, puis un MBA en commerce international. Son souci ? Rester généraliste pour être sûre de ne rien manquer ! Mais, elle se découvre alors une passion pour le service à la clientèle. Elle décide de passer un an en France, mais cette année se transformera bien vite en 7 ans, pendant lesquels elle travaillera pour un vigneron. Et c’est là que le déclic se fait. Elle veut rester dans le monde du vin quand elle rentrera au Canada. Véronique Rivest décide même de s’embarquer, d’abord en dilettante, dans les concours de sommellerie.
Une curiosité débordante
« J’ai jamais su ce que j’allais faire dans le vie, mais je savais ce que j’aimais faire, c’était étudier. Si je pouvais étudier toute ma vie, je serais la personne la plus heureuse au monde. Ma plus grande qualité c’est aussi mon plus grand défaut, je suis extrêmement curieuse. » Elle rentre donc au Québec en 1994, l’année où François Chartier remporte le titre de meilleur sommelier en vins et spiritueux de France. Conseillère au LCBO (le monopole ontarien), elle aperçoit une annonce en 1996 pour un concours de sommellerie à Montréal, un bon moyen de rencontrer des sommeliers du Québec selon elle. Tant qu’à faire, elle s’y inscrit. « Quand ils m’ont appelée, j’ai complètement perdu les pédales, parce que moi j’y allais juste pour assister à la finale donc, la Terre s’est ouverte sous mes pieds. Je n’ai pas fait la moitié des épreuves, mais François Chartier était sur le jury du concours et puis sa femme était là et elle m’a dit, moi si j’étais chasseur de têtes, je miserais sur toi »
La suite on la connaît, son intérêt pour les compétitions ne se dément pas parce que cela lui permet de se forcer à mettre à jour constamment ses connaissances en matière de vin. Toujours cette soif d’apprendre… « Je ne suis pas quelqu’un de très compétitive, je le fais pour moi, pour l’apprentissage mais une des choses que j’ai appréciées le plus ce sont les rencontres et le réseautage avec tous les autres sommeliers. Ce que je préfère dans le monde du vin, ce sont les gens, les gens qu’on sert, les auditeurs auxquels on s’adresse quand on fait les chroniques, les vignerons, le vin c’est profondément humain, c’est quelque chose de rassembleur, de se retrouver à table à parler, le vin ça aide à ça. »
Deuxième meilleure sommelière au monde, et après ?
En 2013, elle grimpera sur la deuxième marche du podium aux mondiaux de Tokyo. « Mon but était vraiment de faire un podium, j’avais une certaine sérénité d’évoluer en finale après mon premier top 3, même si on voit les images de l‘époque où je tremblais tellement ! Une deuxième place c’est absolument pas une défaite, mais ça dépend des gens et des perception. » Ce titre a marqué l’imaginaire puisque beaucoup de gens qui la croisent aujourd’hui, presque 3 ans après le concours la félicitent encore en pensant qu’il est peut-être trop tard pour le faire. « Non, non, répond-elle en riant, je les prends encore ». Souhaite-t-elle reprendre le collet pour le fameux concours mondial ? En tout cas, pas en 2016 à Mendoza, en Argentine, car elle se consacre beaucoup à son bar à vin de Gatineau, « Soif », mais elle ne dit pas non à l’édition 2019, qui devrait se tenir en France. « Pour me préparer, il faut que je m’y consacre un minimum de deux ans à temps plein, mais (pour l’instant) je n’ai pas le luxe de pouvoir prendre deux ans de congé. » Il n’en demeure pas moins que sa prestation a ouvert la voie à bien du changement sur la scène de la sommellerie canadienne et québécoise. « Le Québec et le Canada ont une réputation extraordinaire à l’étranger. Y’a 20 ans, personne ne se méfiait des Canadiens dans les concours de sommellerie, aujourd’hui, on est probablement dans le top 10 ou même top 5 des favoris. »
Trop de « wannabe » sommeliers ?
Alors, la question qui tue : c’est quoi un bon sommelier ? « Un sommelier, avant tout c’est un serveur et ça, j’insiste sur ce point-là. Parce qu’aujourd’hui le phénomène autour des chefs, des sommeliers, ce statut un peu de célébrité, de star, c’est génial parce que ça met en valeur la profession, mais le côté négatif à ça, c’est que les jeunes qui font les écoles de cuisine pensent qu’en sortant de leur école de cuisine, ils vont avoir leur show de télé, leur livre de cuisine, alors que n’importe quel chef chevronné va dire , non , tu vas passer 10-15 ans derrière les fourneaux avant même de pouvoir devenir chef. Au niveau de la sommellerie, c’est pareil, tout le monde s’appelle sommelier. Le nombre de gens qui prennent un cours sur le vin…et le pire, c’est que les écoles de sommellerie sont en faute aussi parce qu’elles vont donner des certificats de sommelier à des gens qui ont zéro notion de service. Un sommelier, ce n’est pas juste un spécialiste sur le vin, c’est d’abord et avant tout un serveur. » Un ordre professionnel serait-il donc nécessaire pour faire le ménage ? Peut-être, dit-elle, mais du même souffle elle confie : « Les meilleurs sont ceux qui sont les plus humbles. Ceux qui s’annoncent avec tambour et trompettes (en disant), moi je suis sommelier, je me méfie habituellement de ces gens-là. »
Un sommelier est un athlète
Que fait une sommelière de son niveau pour rester en forme et pour « performer » dans ce qu’elle fait ? Un esprit sain dans un corps sain, répond la Gatinoise du tac au tac. Pour le mondial à Tokyo, elle a d’ailleurs consulté un psychologue sportif de haut niveau pour la préparation mentale afin d’apprendre à gérer son stress. Mais comment rester frais, dispos et surtout performant, lorsque certains jours, on doit déguster jusqu’à plus de 100 vins ? « Il y a une fatigue physique du palais, notre bouche est attaquée par l’acidité, l’alcool, les tanins. Moi après une journée de dégustation, j’ai envie d’une bière et d’un hamburger, je veux rien savoir du vin, ça fait mal à la bouche (rires). Mon seuil confortable, c’est 60 vins par jour. Je serai aussi équitable avec le soixantième que le premier ». Il lui arrive toutefois d’arrêter complètement de boire pour se ressourcer. « Pour l’instant, je suis dans une période de 5 semaines sans boire. Je le fais régulièrement parce que ça fait partie d’un régime de vie. Dès fois je dis, c’est juste pour me prouver que je suis capable (rires). Pour tout remettre à zéro, un nettoyage. Mais si j’arrête trop longtemps, mon seuil de tolérance va baisser, je pourrai pas re-goûter une session de 60 vins, je vais retomber à 20. Au bout de 20-25, je vais avoir le palais fatigué »
Soif !
Elle aura attendu donc la fin du mondial de Tokyo pour mettre sur pied son projet qui lui tenait à cœur depuis plusieurs années, son bar à vin. Aujourd’hui, elle est fière d’avoir 25 employés pour « Soif ». Pour ce faire, elle a arrêté tous les voyages, mais n’a pas voulu arrêter ses activités de sommelière qu’elle poursuit à travers ses chroniques à la radio et dans la presse écrite, et surtout en donnant des formations. « J’adore enseigner, je dis toujours enseigner, c’est la meilleure façon d’apprendre. Ça fait une trentaine d’années que j’enseigne de différentes façons. Beaucoup de formations de personnel de ventes au détail, chez les cavistes ou à la SAQ, ou encore des blogueurs. » Son bar à vin monopolise pas mal son temps, mais elle l’apprécie et ne dit pas peut-être non un jour à ouvrir 3-4 franchises.
Un Château Rivest ?
Elle qui aime tant apprendre, la verra-t-on un jour contempler son propre vignoble en Toscane ou ailleurs ? « Un sommelier c’est un serveur. Un vigneron, c’est un agriculteur. Y’a tellement de romantisme autour de l’idée de faire du vin, puis le nombre de gens qui se lance dans l’aventure… non, non c’est comme une ferme, puis se lever à 4 heures du matin pour aller traire les vaches, c’est comme jamais avoir de vacance, pis jamais avoir de vie »
Le guide du vin Rivest ?
Celle qui s’est d’abord consacré à la littérature prendra-t-elle la plume ou le clavier pour s’épancher dans un livre ? « Je ne veux pas écrire un livre pour juste écrire un livre, apparemment c’est très bien d’être publié, mais non. Un guide du vin ? Non, j’y crois pas, le marché est déjà saturé, puis c’est un marché en pleine décroissance puis y’en a plusieurs, des très bons. Pourquoi en faire un autre ? »
Et la SAQ dans tout ça ?
Elle trouve du pour et du contre dans le monopole de la Société des Alcools du Québec. « Toutes les lois qui régissent l’alcool en Amérique du Nord sont majoritairement inspirées de la Prohibition et donc sont complètement dépassées. Ce n’est pas géré de la façon la plus efficace, mais en tant qu’acheteur, je n’ai pas à me plaindre, ni au niveau des prix, ni au niveau de la sélection. Je n’ai rien à envier à New York ou à Londres. Et quand je regarde dans les provinces canadiennes où on a privatisé, et que je vois les prix, cela ne m’enchante pas. Les gens pensent que les sommeliers passent leur vie à boire des bouteilles de 100 à 200 dollars. Ce n’est pas vrai, on cherche autant les aubaines que n’importe qui, et les vins que je bois sur une base quotidienne sont entre 15 et 25 dollars. »
Quand elle parle, on l’écouterait pendant des heures sur sa terrasse ensoleillée de bar à vin. Vous voulez en savoir plus sur ce qu’elle pense du risque dans son métier de sombrer dans l’alcoolisme, des « primeurs » à Bordeaux, et surtout entendre sa bonne humeur communicative et toujours son esprit curieux ? Débouchez une bonne bouteille et buvez ses paroles en écoutant son entrevue audio ci-après. Cela en vaut la peine, vous aussi, aurez soif de la connaître davantage…
Bonjour,
bien apprécié vos commentaires surtout qu un sommelier c est un serveur qui exerce un métier avec précision ainsi que de mentionner que ce n est pas un cours de vino a la SAQ qui nous donne le droit de se dire sommelier ou a quelques reprises l expression œnologue ouf merci de partager ma pensée, et bon courage et chance chez SOIF……….Bonne continuation
Bonsoir (bonjour?) Véronique.
Je vous envoie ce message de Lisbonne au Portugal en sirotant un verre de Moscatel do Setubal après un bon repas dans un Resto sympathique près de l’appartement où nous hébergeons d’ici 2 jours; ensuite l’Algarve pour 9 jours puis Porto pour 7 jours avant notre retour à Gatineau le 30 septembre. Si nous avons la chance, vous nous ferez une suggestion pour notre séjour à Porto dans une semaine: nous avons déjà prévu une croisière sur le Douro durant cette période des vendanges.
Au plaisir de vous revoir chez Soif bientôt!