Le Priorat : le bonheur entre ciel et terre
C’est presqu’un cliché de le dire, mais ça n’en demeure pas moins vrai, le Priorat est un endroit exceptionnel qui vaut amplement sa visite. Quand on quitte la côte, et que la route N420 commence à traverser les montages parsemées de ces grandes éoliennes, il y a comme une sensation de changement de rythme qui s’opère.
Par Olivier De Maisonneuve
Et quand arrive un certain coude, avec son point de vue sur la vallée où se niche Falset, et que vous voyez les couleurs et le panorama des montagnes au loin, le temps retient soudain son souffle. Les secondes s’égrènent plus lentement, mais une certaine fébrilité vous surprend peu à peu. De superbes découvertes vous attendent.
Falset est le chef lieu de la région, mais c’est un village. L’Humain redevient petit face à la Nature. Il y a de jolis bâtiments de la Renaissance à voir, et la Coopérative Agricole, qui est dans un bâtiment dessiné par Martinell, un disciple de Gaudi. Si vous avez la chance, allez voir le musée qui lui est dédié à Sitgès. C’est magnifique. A Falset, au début mai, il y a une grande Fête du Vin qui met en vedette la production des appellations Priorat et Monsant.
Mais pour partir à la découverte des vignobles du Priorat, on s’est dirigé vers le cœur de la région, en empruntant la route T170, en direction de Gratallops. Ce n’est vraiment pas loin, mais en quelques minutes, le Temps et la Nature se saisissent encore plus de votre âme. C’est aride et majestueux, sauvage et grandiose. Surtout en ces temps de grandes sécheresses que bien des régions d’Espagne subissent. Ici, certains vignerons attendent la pluie depuis plus d’un an.
Le paysage derrière Gratavinum
Notre premier arrêt sera au domaine Gratavinum, un projet commun entre la famille Cusiné, de Parés Balta, et Jordi Fernandez. Ils sont représentés au Québec par Noble Sélection. Le grand respect de la nature, et l’expression de la richesse du terroir sont au cœur de leur travail. Il faut avoir la main sûre et le cœur solide pour emprunter en voiture le sentier qui part du village pour se rendre au domaine!Ce n’est pas large, et ca tombe vite à pic tout à côté.
Les vieux oliviers côtoient les vignes de grenache noire et de carignan. On y a aussi planté du cabernet sauvignon et de la syrah. Fait intéressant : ils expérimentent avec les vaisseaux de vieillissement. Fûts de chêne, amphores, et dames-jeannes serviront aux diverses cuvées.
À la SAQ, normalement, on retrouve leur 2 Pi (symbole de maths)R, leur vin le plus populaire, et leur Silvestris, un rouge naturel, sans soufre ajouté. J’ai aussi eu l’immense plaisir de découvrir leur GV5, vi de paratge Guinarderes 2019, qui se veut leur vin de cru.
Ils sont très impliqués dans l’élaboration et la reconnaissance d’une pyramide qualitative des vins, comme celle en Bourgogne. Ils font aussi le Coster, un vin 100% carignan élevé en amphore, et le Dolç d’en Pic, un vendange tardive doux mais pas si sucré. Après cette visite avec Jordi, je suis tombé irrémédiablement sous le charme de la région.
Mas de la Rosa
Le lendemain, une visite très riche en émotion nous attendait. Nuria Barrachina Tortajada, de la Maison Torres, nous a invités à visiter en privé, avec Fermi Ferre Masdeu, le viticulteur en chef de deux de leurs domaines les plus prestigieux, La Giberga, au merveilleux panorama, et le fameux Mas de la Rosa. La visite de ce dernier est probablement le plus beau souvenir de ce voyage. C’est difficile de mettre en mots tous ces petits détails qui, une fois juxtaposés, nous ont marqués et profondément émerveillés.
Après un chemin tortueux et escarpé, on est arrivé au sommet d’une cuvette, au fond de laquelle se terre isolé et mélancolique, le petit mas en pierre, de la Rosa, personnage dramatique de la région. Fermi nous y laissa, et quelques minutes après le départ de son tout-terrain, on s’est retrouvé seul(e)s dans cette contrée sauvage, avec le bruit d’un vent furtif, comme un soupir du fantôme de la Rosa. Il n’y a littéralement rien d’autre que nous et quelques lézards. Le chemin qui se rend au mas nous montre à quelques reprises, combien il y a peu de terre et beaucoup de pierre dans ce terroir. La culture de la vigne y est un exploit. C’est si aride qu’il y a même des cactus!
Vignes et cactus
Après une bonne marche, on arrive pour le clou de la visite, une dégustation du grand vin dans l’historique maison de Rosa. Après sa super présentation par nos hôtes, et une première gorgée, un silence intense s’est installé. Natalie et moi, nous nous sommes regardés, et on avait tous les deux les yeux humides. C’était la deuxième fois, qu’un vin m’émeut à un tel niveau. Le lieu, les complices, et l’incroyable harmonie du vin, tout ca a provoqué une vague superbe de bonheur.
Nuria nous a ensuite emmené(e)s luncher à Falset, où on s’est régalé(e)s d’autres très beaux vins du Priorat, produits par Torres, comme le Salmos et le Perpetua, qu’on retrouve parfois à la SAQ. Ils sont représentés par Vins Philippe Dandurand
Buil & Giné dans le PrioratPriorat
Un autre domaine qui va assurément procurer une pléiade de bonheurs à vos sens, c’est Buil & Giné, entre Gratallops et La Villela Baixa. C’est une expérience hédoniste haut de gamme qui vaut amplement sa visite. D’abord, il y a le paysage derrière le chai, ensuite, le succulent restaurant Amics, et la grande gamme de vins, tous faits avec un grand souci de l’environnement, et qui cherchent à magnifier leurs terroirs. Sans oublier l’expérience détente ultime : les deux grandes chambres modernes du gîte, avec une prime en or : la paix totale de la nuit.
Comme il n’y a pas de voisins proches, il n’y a que vous et le silence. Et les petit-déjeuners du matin, sont délicieux. Il y a aussi des concerts musicaux sur place pendant la belle saison.
Certains de leurs vins sont représentés ici par l’agence Vintrinsec. On retrouve régulièrement à la SAQ leur tout premier vin produit, le Giné Giné, qui est une très belle intro pour les vins du Priorat. Sinon, je vous souhaite de découvrir leur Pleret, qui a été mon coup de cœur. Mais si vous avez la chance de tomber sur un des vins de la Collection Familiar, des hauts de gamme en édition limitée, comme le Garnatxa Distingida., ou le Samso 104 anys, à base de carignan de vignes centenaires, là on est dans le grand bonheur. Merci à notre guide extraordinaire Sigrid Guillem, directrice des Relations Publiques.
La légendaire llicorella du Priorat
Le Priorat offre plusieurs autres domaines fort intéressants, bien sûr. Cette synergie entre paysages spectaculaires et vins vibrants est fantastique. Le meilleur conseil que je peux donner, c’est de prendre le temps de le parcourir et de le vivre. Ca peut se voir en quelques heures, mais sa magie vous comblera si vous y passez au moins deux jours. Oh! Et assurez vous d’avoir pris en note votre chemin, car l’internet n’est pas disponible partout, et c’est vraiment une région isolée. Donc, si vous vous perdez, ca peut être intimidant. Surtout que le GPS est souvent mais pas toujours fiable, comme la fois où il nous annonce que nous sommes arrivés au domaine….devant l’école primaire d’un petit village! Ça vous laisse un brin perplexe…
Diplômé sommelier-conseil de l’Université du vin de Suze-La Rousse, en France, WSET3, chroniqueur vins et spiritueux dans diverses publications, dont le magazine Fugues, animateur de dégustations, Olivier de Maisonneuve parcourt la planète pour mettre images et visages sur ces produits qui lui font vivre tant d’émotions.