Le vin bio, « nature » et autres… est-ce bien sérieux ?
Il y en a qui ne jurent que par le vin biologique, d’autres, par le vin « biodynamique » alors que des irréductibles (terroiristes diront certains) ne boivent que du vin « nature ». Mais qu’en est-il de ces « certifications » ? Est-ce vraiment sérieux ? Promenade entre bien des guillemets…
Par Frédéric Arnould (lefred@toutsurlevin.ca)
Les reportages en caméra cachée ou pas dans ces domaines vinicoles qui déversent des tonnes d’additifs dans des vins qualifiés d’industriels et qui sont bus par des millions de personnes ont de quoi faire réfléchir. Un peu de tanin supplémentaire par-ci, du polyvinylpolypyrrolidone(ou PVPP) par là pour améliorer la stabilité du vin, ou une pincée d’enzymes bêta-glucanases et vous n’y verrez que du feu. Alors, du bio, du nature ou du biodynamique, c’est mieux ?
Qui veut du bio ?
Ici, on axe tout sur l’absence de pesticides de synthèse, d‘engrais chimiques ou d’OGM dans le vignoble. Jusqu’en 2012, la réglementation imposait un cahier de charges concernant la viticulture. Mais depuis 2012, en Europe, la vinification (fabrication du vin après la récolte du raisin) en fait maintenant aussi partie. Mais, en fait, les différences avec le vin non bio sont plutôt minces à ce stade. Oui, on réduit les intrants, mais on continue d’y ajouter entre autres des sulfites (à peu près 25-30% de moins que pour le non bio par contre), des levures et des copeaux de bois. Le bio fait en tout cas partie des grandes tendances dans le milieu du vin depuis quelques années puisque les consommateurs sont de plus en plus nombreux à tenter de trouver le label bio vert sur les tablettes des magasins de vins. Le raisonnement est le suivant, ajouter moins de produits chimiques dans la vigne fera du meilleur vin, plus sain et moins dangereux pour la santé.
Et la biodynamie ?
Ah que voilà une autre tendance de plus en plus populaire, les vins issus de la biodynamie. S’il existe un procédé pseudo-scientifique et aux relents ésotériques, c’est bien celui-là. En fait, c’est comme le bio puisqu’on s’efforce de respecter davantage l’environnement, mais avec une touche quasi mystique. Ici, on s’en remet au calendrier lunaire pour cultiver le raisin et le vigneron suit les cycles planétaires. Pas question de sortir le tracteur, on ressort le cheval de trait pour entretenir le vignoble. Et on utilise entre autres une bouse de vache gestante qu’on met dans une corne de vache. On enterre le tout dans le sol pendant tout l’hiver et on attend que la bouse fermente et se transforme en humus. Le printemps venu, on démoule la corne et on dilue l’humus dans l’eau de pluie. On utilisera cette préparation pour la pulvériser sur la terre du vignoble. PAr ailleur, quand la vigne souffre, on lui fait un pansement à base de camomille, de silice ou d’ortie. De plus en plus de grandes maisons ont emboité le pas à ces techniques. L’idée, c’est que du vin bio qui en plus, respecte les cycles de la nature et du ciel, autant en profiter.
Du vin nature ?
On pourrait l’appeler le vin « nu ». Ici, pas de gloubli-boulga chimique ni de poudre de perlin-pimpin. Le vin nature est…disons nature. Pas d’additif chimique et idéalement pas ou très peu de soufre (30 mg/litre, soit un cinquième du niveau des vins « conventionnels »). Et pas de levure chimique industrielle, on utilise la levure naturelle présente dans le raisin. Le résultat, on obtient un vin plus fragile, certains et avec raison, oseront dire plus instable. La présence d’arômes d’écurie ou d’étable est plutôt courante surtout à cause de leur instabilité. Et c’est bien normal, puisque les produits chimiques ne sont pas là pour faire tenir l’ensemble de façon artificielle. Imaginez un vin « nature » qui traverse l’Atlantique, arrive à la SAQ, est ensuite transporté dans un restaurant qui va nous le servir à une température ambiante de 23 degrés… Je grossis le trait, mais c’est un peu comme ouvrir une bouteille de nitroglycérine. (Insérez un sourire ici…)
Et alors, c’est bon ?
Vouloir boire « mieux », c’est louable. Mais est-ce meilleur ? Dans le fond, que le vin soit étiqueté « bio », « biodynamique » ou « nature », rien ne me garantit qu’il soit de qualité ou même qu’il soit bon. Ces « labels » sont avant tout la « preuve » que les vignerons ont respecté le cahier de charges de l’organisme auquel ils se réfèrent pour produire leur vin. C’est donc avant tout une méthode de travail qu’ils ont suivi à la lettre. Encore une fois, je le répète, consommer un produit qui comporte moins de produits chimiques et qui respecte davantage l’environnement, tombe sous le sens.
Et le contrôle alors ?
Quand vous achetez votre poulet au supermarché et que l’étiquette dit « sans antibiotique, ni hormone », vous y croyez, non ? Et vos œufs pondus par « des poules en liberté » aussi ? Après tout, si c’est écrit, c’est que c’est vrai, sinon imaginez les sanctions qui pleuvraient sur le producteur… Oui, mais comment prouver le contraire ? N’est-ce pas comme tous les produits que l’on consomme ? La table de tous les ingrédients que l’on retrouve dans la composition de ce qu’on mange est obligatoire dans la plupart des pays. Mais qui vérifie vraiment si tout y est ? Quand on voit ce que les agences gouvernementales de vérification ont comme budget de fonctionnement pour faire leur travail, on est en droit de se demander si on peut vraiment se fier à leur « surveillance » pour savoir ce que l’on mange vraiment ? Là, où je veux en venir, c’est précisément sur le questionnement que l’on devrait avoir sur les certifications de vins biodynamique, « nature » et bio. Ces organismes, « nature » en tête, n’ont déjà pas les budgets d’agences de santé gouvernementales pour faire leur travail. D’où mon interrogation… peut-on s’y fier ? Qui me dit que cela me garantira qu’effectivement, je n’y trouverai jamais tel ou tel additif, excès de souffre ou même que le sillon entre les vignes a bel et bien été tracé par une charrue et que la corne utilisée pour la biodynamie était bien celle d’un boeuf et non une corne en plastique d’un casque de déguisement de viking ? Je digresse, mais la question est lancée. Attention, loin de moi de diaboliser cette industrie florissante. Bien au contraire, encore une fois, boire plus écolo est louable et j’applaudis. Mais je m’interroge… Peut-être est-ce l’occasion pour cette industrie de vins plus « verts » de lancer une campagne d’information et de sensibilisation…
Et le goût ?
Aux côtés des vins conventionnels parfois « gonflés » aux pesticides et autres additifs, ces vins plus « propres » sont-ils meilleurs au goût ? Pas de règle ici…C’est une question de…goût personnel. Ils seront probablement plus digestes dans la plupart des cas. Faites-en l’essai en les dégustant à l’aveugle. Mais je vous fiche mon billet que la plupart des vins « natures » seront reconnaissables entre tous. Comme disait l’ami Orhon, « du bio et autres oui, mais à condition que ce soit bon ». Allez, à la bonne vôtre…
Bien belle analyse de ce petit monde qui devient grand.
Si le bio n’est pas forcément bon pour le consommateur gageons qu’il l’est au moins pour l’environnement (quoique…)
C’est un vaste débat 😉 Merci pour le commentaire, Baptiste.
Bien que sur le ton « suspicieux », il y a du bon dans cette approche. Un peu moqueur et de vulgarisation facile sur la biodynamie, mais une fin de paragraphe toujours appropriée pour ne pas fâcher. Là ou tout devient compliqué, c’est que certains petits vignerons producteurs passionnés poussent le vis jusqu’à délaisser non seulement les appellations, mais également les organismes « certificateurs ». Alors me direz-vous à qui se fier. A votre caviste conseil bien sûr et à votre sens du goût. Mais ne rêvez pas, les vins de « marque » et autres grosses cavaleries ont plus de chance de ressembler à des vins d’apothicaires qu’à des vins « vrais » de lieux et de terroirs. Que représente pour un consommateur, un « Vin de France » de surcroit sans pictogramme rassurant et en plus d’un prix modeste. J’avoue qu’il y a de quoi être perdu. Dans ce cas comme dans celui ou le domaine est certifié, vous avez le droit d’avoir des doutes. Il n’y aura jamais de solution tant qu’il n’y aura pas d’obligation d’inscrire sur la contre étiquette tout ce qui est utilisé même occasionnellement (contrôle par les achats en compta). Cela devient compliqué. Je me bas déjà beaucoup contre tous ces bullshits job et toutes ces réglementations qui n’apportent rien au produit et au service. Il reste la confiance.
Confiance et réputation sont les maîtres-mots en effet ! Merci pour votre commentaire, Michel.
« Il n’y a pas de vins parfaits …que des goûts favoris »
« Buvez nature et vous aurez le bout dur »
Jean-charles Botte dégustateur de vins natures depuis 1999
On va vous croire sur paroles ?
Bonjour , je vous remercie pour les articles ci bien écrit .J’aime beaucoup les lire.
Cordialement
SB
Merci Stéphanie.
Au plaisir ?
Je suis plutôt vendue aux vins bios depuis quelques années…
Et ce petit côté « effervescent » quand on les ouvre, j’aime bien!
Je nous trouve aussi de plus en plus choyés à Montréal, où l’offre en vins nature dans différents restaurants est plutôt intéressante.
Le respect de la nature, de la vigne, du sol, ça devrait être selon moi à la base de tous ceux et celles qui vivent de cette richesse.
Un vigneron qui fait du vin nature a mon plus grand respect.
Il n’y va pas dans la facilité, et c’est tout à son honneur.
En effet, e tout est de bien les choisir, car parfois ils voyagent mal. Au plaisir Catherine 😉