L’IGP vin du Québec, une marque de commerce achetée par un vigneron
La nouvelle appellation IGP Vin du Québec récemment reconnue par le gouvernement québécois…appartiendrait à un vigneron québécois ! C’est en tout cas ce qui ressort d’un dépôt de dossier au bureau canadien des marques de commerce. Cette nouvelle appellation peut-elle être possédée par un particulier ?
Les vignerons indépendants du Québec s’interrogent ce matin sur les aspects de la vérification du processus qui a permis au Vignoble Carone basé à Lanoraie dans Lanaudière d’avoir pu acheter la marque de commerce IGP Vin du Québec.
La demande de dépôt de la marque de commerce se trouve ici :
http://www.ic.gc.ca/app/opic-cipo/trdmrks/srch/viewTrademark?id=1920318&lang=fra&tab=reg
Elle vient en tout cas « tacler » la reconnaissance toute récente de l’appellation par le gouvernement du Québec, IGP Vin du Québec (Indication géographique protégée). Cette appellation permettrait d’effectuer un contrôle de qualité semblable à d’autres appellations comme celle de la Vintners Quality Alliance (VQA) en Ontario ou en Colombie-Britannique.
Appellation au Québec mais marque de commerce au Canada ?
Sur le site du bureau canadien des marques de commerce, on peut y lire…
« Lorsque le Bureau des marques de commerce reçoit votre demande :
- il fait une recherche dans les dossiers des marques de commerce pour voir s’il existe une marque de commerce déposée ou une marque de commerce en instance qui pourrait causer de la confusion avec votre marque (si on en trouve une, on vous en avisera)
- il examine la demande pour s’assurer qu’elle respecte les exigences de la Loi sur les marques de commerce et du Règlement sur les marques de commerce, et il vous avise de toute exigence que vous n’avez pas respectée ou de tout motif pour lequel votre marque de commerce n’est pas admissible à l’enregistrement
- il publie la demande dans le Journal des marques de commerce, donnant ainsi au public le temps d’y faire opposition (de la contester)
- il admet et enregistre votre marque de commerce si personne ne s’y oppose (ou si vous avez eu gain de cause à la suite d’une opposition) »
Plus intéressant, le point sur la recherche : « L’examinateur fait une recherche approfondie pour s’assurer que la marque de commerce ne crée pas de confusion avec une marque de commerce qui a déjà été déposée ou une marque de commerce enregistrée. »
Or n’y aurait-il pas une confusion évidente possible avec l’IGP autorisée depuis peu par le gouvernement du Québec ?
source saq magazine
Jean Joly, président du Conseil des vins d’appellation du Québec ne se formalise pas trop de ce dépôt de marque de commerce. Il s’en remet au CARTV (Conseil des appellations réservées et des termes valorisants) et au MAPAQ pour « débrouiller l’imbroglio » auprès du gouvernement canadien. Il estime que le gouvernement du Québec a la priorité sur un individu dans ce dossier. « Je ne suis pas inquiet du tout là-dessus, le gouvernement apportera les éventuels correctifs. » Il ajoute que le vignoble Carone a enregistré cette marque pour « mettre des bâtons dans les roues ». Selon lui, il suffit de lire les « posts » d’Anthony Carone sur son Facebook pour se rendre compte qu’il ne porte pas dans son cœur le concept d’IGP entre autres choses.
source Facebook
La réponse de Carone
Une réponse plutôt laconique, puisque pour l’instant, les mots de Sarah Hoodspith-Carone, directrice du vignoble Carone sont : « We have no comment for the time being ». Quelques appels d’avocats plus tard et nous seront peut-être fixés sur la suite des choses d’un côté comme de l’autre.
Notre bon ami et collègue Charles Goyer (Céleste Levure et cabinet Robic) a toutes les compétences requises pour tirer cette situation au clair. Ses commentaires seraient bienvenus. Le domaine de la gestion de la propriété intellectuelle qui comprend les marques de commerce n’est pas simple et devrait toujours être laissé aux spécialistes. Les manoeuvres erronées sont toujours coûteuses et souvent évitables. Je ne suis pas certain que de laisser les gouvernements nettoyer l’imbroglio est la meilleure solution, surtout si nous désirons une résolution rapide, juste et non pas politique.
Sarah Hoodspith-Carone, directrice du vignoble CARONE : « Contrairement aux déclarations du président du Conseil des vins d’appellation du Québec, nous appuyons pleinement l’IGP Vin du Québec. C’est ce qu’atteste notre communiqué de presse diffusé vendredi dernier, dans lequel nous avons confirmé que nous avions rempli les conditions requises pour l’accréditation de l’appellation pour la récolte 2018 de notre vignoble, l’été dernier. Nous félicitons le gouvernement Coalition Avenir Québec d’avoir mis cette appellation à la disposition des vignerons artisanaux du Québec de façon impartiale. »
Le CARTV me dit ceci « En fait, cette demande a été transmise à l’OPIC mais l’organisme fédéral n’a pas pris de décision. Donc, cette demande n’est pas approuvée ni en vigueur. »
DÉCLARATION DE CARONE CONCERNANT LA MARQUE DE COMMERCE « IGP VIN DU QUÉBEC »
21 novembre 2018 – Sarah Hoodspith-Carone, directrice du vignoble CARONE, a expliqué : « Nous avons déposé la marque de commerce de type mot « IGP Vin du Québec » auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada. Nous n’avons pas enregistré une marque de certification, ni une marque interdite, ni une marque officielle. Notre enregistrement n’a aucun impact sur la certification CARTV IGP Vin du Québec. »
Elle a ajouté : « Notre intention était de promouvoir l’IGP Vin du Québec à travers la marque de type mot. Or, on nous a annoncé que le terme IGP, dans le domaine du vin, est une marque de commerce appartenant à l’Union européenne, qui est soutenue par l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) et l’Organisation international du vin (OIV). Nous évaluons les différentes possibilités qui s’offrent à nous pour les prochaines étapes. »
L’expression du vin à travers la solidarité !
La culture de la vigne et la production du vin requièrent tant du temps, de la passion et de la patience pour mettre en marché des vins de qualité et de bons goûts. Ainsi, derrière un vigneron, il y a toute une équipe de travailleurs et de travailleuses et des spécialistes qui contribuent énergiquement à leur pleine expression. Cette pleine expression des vins révèle une approche commune de travail que l’on nomme la solidarité autour du respect de processus essentiels, de travaux méthodiques tout comme des règles à respecter pour obtenir le droit à la reconnaissance d’une appellation. SEUL, UN VIGNERON N’Y ARRIVE PAS, peut importe son niveau d’installation et de professionnalisme. Par analogie à l’évolution de la filière des vins québécois, cette logique de travail en commun avec des valeurs de solidarité s’applique de la même manière : SEUL, LE VIGNERON N’Y ARRIVERA PAS ! Après 30 ans d’existence de la vigne au Québec, il est grand temps que cette évolution de la filière se fasse avec une seule et même logique de respect de l’appellation de qualité « Indication géographique protégée (IGP) Vin du Québec. » Les consommateurs veulent de plus en plus boire des vins d’ici en plus de voir cette filière évoluer, leur garantir cette appellation IGP Vin du Québec dans un esprit de solidarité entre les vignerons, et non pas dans une guerre de clocher et « de mots » comme cela l’a longtemps été au Québec. Nous sommes ailleurs les consommateurs et voulons une filière organisée et structurée pour la garantie de sa croissance au Québec et son épanouissement dans l’expression de meilleurs vins. Alors, VIN DIOU ! Entendez-vous les vignerons et travaillez ensemble !