Tout quitter pour faire du vin
Imaginez-vous tout plaquer pour vous retrouver les mains dans la terre et faire du vin? Un peu difficile pour certains, effrayant pour d’autres. C’est pourtant ce que Hélène Dion a fait.
Par Patricia Chagnon
Après avoir passé sept ans à faire découvrir des vins de partout à travers le monde au
département marketing et relations publiques de l’agence montréalaise Advini, Hélène Dion décide qu’elle en a assez. Les longues heures assise à son ordinateur l’avaient achevée, elle devait prendre une décision qui allait changer sa vie. Ni l’ambiance de bonne entente entre ses collègues, ni le bon salaire n’ont su la retenir. Sa décision était prise, la sommelière avait besoin d’un changement.
Hélène Dion, sommelière de formation, aime se plonger les mains dans les vignes
« À un moment donné, la santé mentale et émotive est plus importante que le salaire… c’est un changement drastique mais tellement bon pour ma santé » dit-elle en toute franchise.
De recherches en recherches, un emploi de travailleur agricole dans un vignoble a attiré son attention. Malgré le fait que son salaire subissait une baisse considérable, elle tenta sa
chance. Elle avait besoin de ce retour aux sources et de mettre ses mains dans la terre
pour se retrouver.
Louis Thomas, vigneron et directeur général du vignoble le Domaine du Fleuve a été impressionné par le CV de cette spécialiste du vin. Il n’a pas attendu, il l’a appelé.
« Au début, on envoie un courriel, bon je vais vous rencontrer et après tu regardes comme il faut ses amis Facebook et tu te dis, bon ben, tu dis merde, je vais l’appeller tout de suite » a-t-il expliqué.
Le plaisir est dans le vignoble…
Ils se sont entendus pour un contrat de huit mois pendant lesquels Hélène se concentrera
plus sur les vignes et moins sur le marketing. Son titre officiel? Assistante vit-vini. Dans les faits, selon le propriétaire du vignoble, Hélène amène bien plus que sa bonne humeur, son expertise et ses contacts.
« Elle amène toute sa passion du vin avec elle et cela entraîne tout le monde, toute l’équipe. » Et pour la principale intéressée, c’est beaucoup plus qu’un travail. Elle se sent un peu comme à l’école. « J’avais déjà fait ça quand j’avais 20 ans, quand j’étudiais en sommellerie. J’avais travaillé dans un vignoble au Québec. J’avais aimé ça mais à 20 ans, quand il fait chaud, ça fait ch… c’est « tough » tu ne comprends pas chaque geste que tu fais à la vigne. »
« Ici, je vois ce que Louis fait et le travail qu’il met dans ses vins, je trouve ça très émouvant et je me dis que je participe un peu à ça et je ne chiale plus quand il fait chaud ou froid, ça se passe bien, je sais qu’il y a un impact direct sur le travail qu’on fait. » – Hélène Dion
Le domaine du Fleuve
Coup de chance et un peu du destin donc, Hélène Dion a atterri sur ce joli bout de terrain de la Rive-Sud de Montréal, niché entre la route Marie-Victorin de la ville de Varennes et le fleuve St-Laurent.
Le travail de la vigne au Domaine du Fleuve en bordure du St-Laurent
Louis Thomas nous confie que c’était le rêve de sa mère de faire du vin. Des quatre enfants, il était le plus intéressé. « J’ai toujours aimé la terre’’, dit-il
sous le ton de la confidence. » Cela ne l’a pas empêché de faire des études en urbanisme et
un certificat en gestion de chantier de construction.
En 2007, des premiers cépages hybrides poussent sur ses terres, comme le St-Pépin, le Frontenac, des cépages rustiques habituellement bien connus au Québec. Par la suite, ayant le goût du risque en bouche, Louis Thomas a fait le choix d’utiliser des vitis viniferas, des cépages nobles qui au bout du compte, font la différence aujourd’hui, selon lui. Après plusieurs tests et 29 cépages, il a réduit le nombre total de cépages à une quinzaine. Les premières bouteilles ont vu le jour en 2010 et depuis, les 3,5 hectares de vignes sur 58 (blé et soya en majorité) produisent environ 19 tonnes de raisins ou encore cette année, près de 18 mille bouteilles.
Louis Thomas, vigneron et directeur général du vignoble le Domaine du Fleuve
Évidemment, à long terme, il ajoute qu’il y aura moins de blé et plus de vignes, mais sans
exagérer, précise-t-il. « Pour travailler comme on veut travailler, je pense qu’il faut garder une plus petite dimension, sinon tu n’as pas le choix de tourner les coins ronds. Moi j’aime quand c’est bon en fait et quand c’est trop travaillé, quand c’est trop traficoté, c’est pas bon. C’est ma philosophie. Pour l’instant, sa production n’est pas bio, mais il l’a décrit comme écologique puisque 80% des traitements sur les vignes sont bio, ajoute-t-il.
Un emplacement de choix
Une autre dimension au succès des vins du Domaine du Fleuve est son emplacement selon
le viticulteur. Aux premiers abords, le sol argileux bien installé sur un lit rocailleux n’est
peut-être pas le premier endroit pour planter des vignes. Le secret du Domaine du Fleuve?
La chaleur émane des grandes villes, comme Montréal situé pourtant à environ 30
kilomètres. Louis Thomas explique que quand il fait froid, cette chaleur est balayée par les
vents dominants du nord-ouest, vers Varennes, dans le couloir du fleuve St-Laurent.
« Je pense que ça aide tout au long de la saison parce que .2, .3 ou .4 degré de plus au
courant de la nuit, les degrés s’accumulent. »
Vignoble du Domaine du Fleuve à Varennes
Sinon, il utilise des toiles pour protéger les deux tiers de ses vignes.
« Pour protéger du froid et il n’a pas assez de neige assuré, il pleut au mois de janvier et
après il fait -20. La masse d’air emprisonné sous la toile fluctue moins rapidement.’’
Et parlons-en des vins du Domaine du Fleuve. En juillet, le vignoble a représenté le Québec à la conférence internationale I4C cool climate Chardonnay celebration’’ qui se tenait à Niagara, en Ontario.
De bons points pour son chardonnay donc, et son cabernet franc a été sélectionné par le
ICCWS, une conférence internationale sur la viticulture qui a lieu tous les 4 ans.
Du vin, au gré des vagues du St-Laurent
Assise sur le quai qui suit le rythme des vagues du fleuve St-Laurent à siroter un Cabernet
Franc, Hélène Dion regarde l’avenir avec optimisme. Après son contrat de 8 mois, elle veut en parallèle à son travail au vignoble,- se consacrer à un tout nouveau défi, celui de travailler pour l’Agent Papilles, l’agence d’importation privée de vin, de café et d’art de la table que son amoureux et elle viennent de lancer.
« Je suis vraiment bien ici…Dans 8 mois on verra ce que la vie va amener. C’est sûr que Agent Papilles, ça va faire partie de ma vie. Moi j’espère que Louis va me garder ici longtemps. Et que je vais pouvoir faire les deux. » Hélène Dion
On le parie, la liste de ses produits devrait inclure les vins du Domaine du Fleuve. Et qui sait, peut-être même avec les futures cuvées d’Hélène qu’elle pourrait élaborer prochainement au domaine…
Hélène Dion compte bien poursuivre son expérience au vignoble de Varennes
On déguste!
Fait marquant: les vins du Domaine du Fleuve ont tous un taux d’alcool de 12,5%. Il nous
offre 7 blancs, 5 rouges et 2 rosés. Les prix varient entre 18,50$ et 30$. Disponible au
domaine ou dans quelques épiceries fines. Voici un échantillon de ce que nous avons
dégusté.
La gamme des vins du Domaine du Fleuve
Gewurztraminer (2021): Sec et frais, il est beaucoup moins gras en bouche que certains
autres vins de ce cépage plus lourd. Il offre un beau bouquet de litchi.
Riesling : Demi-sec mais un sucre résiduel à peine perceptible, il offre des notes de pomme, poire et lime en bouche.
Chardonnay : Le chardonnay du Domaine du Fleuve met de l’avant une belle maturité dans le fruit, incluant des notes de pomme et de poire. Il reste frais et léger en bouche.
Merlot (2020) : Il est très surprenant qu’on arrive à faire du merlot au Québec parce
qu’habituellement, ce cépage prend de la chaleur. Hé bien, pari réussi! Le merlot du
Domaine du Fleuve est bien fait. Il a une belle maturité dans le fruit rouge et le propriétaire fait un beau dosage des barriques, ce qui se démarque de certains autres vignobles québécois.
Cabernet franc : Il n’y en a pas beaucoup au Québec. C’est un cabernet qui inclut tout du franc: le côté végétal et celui du fruit tout en fraîcheur. Ce n’est pas un hasard si le
Domaine du Fleuve a été choisi pour représenter le Québec au colloque de qui se tenait à
en Ontario. On retient des saveurs fraîches de fruits rouges comme les framboises et les fraises, accompagné de notes végétales. Un cépage qui évolue tellement bien sur ces terres, que nous ne serions pas trop surpris qu’une autre parcelle en bordure du fleuve soit plantée avec ce cépage.
Pinot noir : 2020 Avec ses arômes de fruits rouges, comme des cerises et un savant dosage de notes boisées, ce pinot se déguste si bien sur le bord du fleuve.
Rendez-vous au Domaine du Fleuve. Allez-y faire un tour, ils sont très sympas !
Impressionnante notre Hélène!
Estelle et Léandre
En effet 😉
Superbe article! Pour y être allée il n’y a pas longtemps, j’ai eu plusieurs coups de cœur! Merci de nous avoir fait découvrir ce vignoble si proche chez nous 🙂
Un bon choix avisé. Merci de nous lire 🍷