Vive le libre-échange

Retour de bouteille défectueuse - Tout sur le Vin

Finalement, j’ai bel et bien retourné le Château de Fargues 2010 dont je parlais la semaine dernière. On m’attendait de pied ferme en succursale, si bien que l’échange, ai-je rapidement compris, n’allait pas être de tout repos…

par Marc Chapleau

Ce grand sauternes était encore bien en vie mais prématurément vieilli, sa couleur tirait sur l’orangé et il goûtait un peu trop le caramel. La faute, manifestement, à une trop longue période de conservation dans des conditions pas optimales, trop chaudes et peut-être aussi trop sèches – en succursale même ou aux entrepôts de la SAQ, peut-on présumer.

Bref, le produit était altéré.

Je me présente donc samedi matin à ce même magasin où je me l’étais procuré. Le caissier, compte tenu du prix élevé du vin, a besoin de l’accord d’un conseiller avant d’autoriser la transaction. Pas de souci, je m’y attendais, c’est normal. Manque de pot toutefois, le conseiller avec qui j’avais discuté au moment de l’achat, lui confiant ma crainte que le vin ne soit pas à la hauteur, n’était pas là.

« Ce monsieur retourne ces deux bouteilles (un Fargues à peine entamé et un deuxième acheté en même temps mais pas ouvert, « apte » comme ils disent). Peux-tu autoriser le retour ? » demande le caissier à un autre conseiller en vin, que je n’avais pas vu la première fois.

Celui-ci, occupé avec un autre client, jette un œil sur mes bouteilles, fronce les sourcils et fait hmm, « Celle qui n’est pas ouverte pas de problème s’il a sa facture mais l’autre, je vais devoir vérifier ça
tantôt. »

Retour de bouteille SAQ - Tout sur le VinPlus jeune, je me serais secrètement frotté les mains. Pas de trouble mon homme, on va discuter, moi je sais que le vin n’est pas bon comme il devait l’être et désolé pour l’immodestie, mais j’ai tendance à avoir confiance en mon jugement…

Mais hé, ce temps-là est passé, aujourd’hui la FADOQ me court après et je me suis beaucoup amadoué – même si j’aurais préféré qu’il accorde son ok sans atermoyer. Texto à ma blonde, qui patientait dans un magasin tout près pendant que je faisais ma petite affaire : « Léger retard, chérie, rendez-vous vers moins cinq au lieu de moins quart. »

Après quelques minutes, le conseiller revient, attrape la bouteille sur le comptoir ainsi qu’un tire-bouchon. « J’en ai de ça à la maison, dit-il, du Yquem aussi, et il est très bon… » Oh boy, il va donc falloir en découdre, après tout.

Il garde le sourire, se verse un verre, signale qu’à son avis déjà la couleur est tout à fait ok, pas si foncée, bref à ses yeux le produit est bon.

Hostie, que je me dis.

Puis je prends le taureau par les cornes et pendant même qu’il est en train de faire barboter le vin dans sa bouche je mitraille : « La couleur est nettement trop foncée j’ai comparé avec un même Fargues 2010 conservé dans ma cave depuis plusieurs années, à part ça au nez ça n’a pas l’élégance ni la fraîcheur habituelles de Fargues tandis qu’en bouche ça manque d’éclat, ce n’est pas mauvais, je le redis, mais ce n’est pas vraiment pas ça… »

Le conseiller recrache, balance la tête de gauche à droite puis confirme en disant que non, effectivement, ce n’est pas aussi bon qu’on s’y attendrait.

Ouf !

Moralités : primo, au fond le type n’a fait que son boulot, je puis comprendre ça ; deuzio, hé que je ne voudrais pas être un client ordinaire, pas connu ni connaisseur, que la procédure de retour doit absolument terroriser.

Champagne !

En échange de mes deux 375 ml (j’ai choisi de ne pas me faire rembourser ma bouteille intacte), je suis reparti avec des champagnes. Des valeurs sûres, pour ainsi dire. Quoique le champ’ peut s’altérer lui aussi, des cas de bouchon j’en ai vu, mais bon, fermons de suite la parenthèse au risque de passer pour un chialeux.

Tout ça donnant soif, voici donc ce que j’ai goûté récemment – pas de champagnes dans le lot, pas encore ouverts. À noter que les vins sont notés sur une échelle sur 100, laquelle, au fond, en est une sur 20, voui, puisque la grande majorité des vins aujourd’hui sur le marché sont potables et même assez honnêtes, si bien qu’en bas de 80 %, c’est rare.

Vouvray Brut Vincent Carême 2017 – Excellent mousseux bio de la Loire à base de chenin blanc, notes de miel et de sapinage au nez, à la fois intenses et raffinées, la bouche suit, les bulles sont assez fines, le vin est par ailleurs bien sec, moins de 4 g de résiduel. Impeccable, encore une fois, et d’un excellent rapport qualité-prix. (25,45 $ / 90)

Cousino-Macul Antiguas Reservas - Tout sur le VinCousino-Macul, Antiguas Reservas, Cabernet-Sauvignon, 2017, Chili

Un chilien costaud, comme dans mon souvenir, mais moins tannique, plus souple, plus aimable. Une note de brûlé pas déplaisante, comme avec certains rouges sud-africains, pas de poivron ni de cassis, rien de complexe dans l’ensemble mais l’expérience a jadis montré que ce vin pouvait vieillir et se bonifier. En l’état, la fraîcheur est là, c’est même assez serré. Très bon rapport qualité-prix. (17,45 $ / 87)

Pierre-Marie Chermette Beaujolais Griottes 2018Beaujolais « Griottes », Pierre-Marie Chermette, 2018, France

Odeur de créosote qui déroute, le vin se reprend en bouche, la tension est là, un goût de cerise aussi, les saveurs sont par ailleurs peu corsées, même légères, et rehaussées par ce qui semble être une touche de minéralité. (18,45 $ / 86)

Corbières « La Garnotte », Jean-Noël BousquetCorbières « La Garnotte », Jean-Noël Bousquet, 2018, France

Rouge du Languedoc, assemblage de carignan, syrah et mourvèdre, tout simple, pas compliqué, assez corsé cela dit, avec du nerf et un goût de cerise « kirschée » en finale. À ce prix, franchement, très difficile de chipoter, c’est on ne peut plus ok. P.-S. À ne pas confondre avec un vin de Guy Lafleur, malgré le nom évocateur. (10,90 $ / 84)

Minervois, Château Coupe-Roses, Granaxa, 2015, FranceMinervois, Château Coupe-Roses, Granaxa, 2015, France

Convaincant rouge bio du Languedoc à base de grenache, avec juste une touche animale au nez, de la concentration en bouche et donc du corps aussi, c’est pratiquement obligé, goût d’agrumes en finale, beaucoup de profondeur et de la fraîcheur, évidemment, sinon on n’aurait pas aimé. Chapeau à la vigneronne et à son partenaire ! (26,15 $ / 91)

Saint-Nicolas-de-Bourgueil, Pascal Lorieux, « Les Mauguerets »Saint-Nicolas-de-Bourgueil, Pascal Lorieux, « Les Mauguerets », 2017, France

Délicieux ! À condition d’aimer, bien sûr, cette odeur et même ce petit goût de cendrier froid (!) souvent typique du cabernet franc. Ça ne semble pas très ragoûtant, je sais, pourtant ce l’est, surtout qu’il y a de la framboise tout juste derrière et tout plein de fraîcheur, avec une texture étonnamment serrée. (23,70 $ / 90)