« De grâce, invitez-moi ! »
Il y avait longtemps qu’on ne me l’avait pas sortie, celle-là. Je revenais d’une longue marche, beau soleil, toujours aussi peu de monde sur le chemin, quand au dernier croisement, eh bien eh bien, je tombe sur nos nouveaux voisins.
Par Marc Chapleau
Bla bla bla, vous aimez le coin, tout se déroule comme vous voulez, alors c’est vrai que vous travaillez dans l’aéronautique, fascinant sûrement, moi, je suis dans la communication. Dans quel secteur au juste ? Le vin, je réponds. Je suis chroniqueur, dégustateur, sommelier d’office, pas mal toutes ces réponses.
Et là, le cri du cœur, lancé avec un gros sourire : « Ah ben là, c’est certain qu’on vous invitera jamais à souper à la maison, ta femme et toi ! »
Je suis habitué, remarquez. En exagérant un peu, on pourrait même dire que c’est l’histoire de ma vie.
Le plus con, c’est que je ne sais jamais trop quoi répondre, sur le coup. Je me contente le plus souvent de sourire, niaiseusement.
Les petits souliers
Tout amateur de vin confirmé a dû, un jour ou l’autre, être confronté à ce type de remarque. J’imagine que la perspective de recevoir par exemple un bon cuisinier à souper, cela aussi peut vous mettre dans vos petits souliers.
Je me souviens d’ailleurs avoir déjà entendu je ne sais plus quel grand chef dire qu’être convié quelque part et se retrouver devant un bon vieux pâté chinois ne le gênait pas du tout, au contraire.
Hmm, j’aimerais dire la même chose et prétendre que vous pouvez m’inviter à manger chez vous en me servant du vin à 10 $…
Voici donc ce que je pourrais répondre, la prochaine fois qu’on me sortira une réplique comme celle de ma charmante voisine.
« Aller souper chez vous ? Avec plaisir ! Et pour le vin, je vous rassure tout de suite, ne vous en faites pas : dites-moi quelques jours à l’avance ce que vous prévoyez comme menu, et je me charge d’apporter les bouteilles qui iront bien avec. On pourrait même partager les coûts, si ça vous mettrait plus à l’aise ; est-ce que, disons, 25 $ par bouteille irait comme budget ? »
Bien entendu, j’apporterais en plus quelque chose de spécial, pour sauvegarder mon honneur et maintenir ma réputation. Un vin plus cher mais pas trop, juste pour surprendre et faire découvrir une région, une appellation, un cépage.
Ouais, ça aurait de l’allure comme proposition, non ?
À boire, aubergiste !
Cliquez sur les bouteilles ou le prix pour les disponibilités près de chez vous.
Jean-François Mérieau, Gamay, Le Bois Jacou, 2018, France
Très bon gamay de la Loire, d’une belle pureté de fruit, qui sent la fraise sans exagération, s’y ajoute une touche poivrée, des saveurs mi-corsées, un caractère légèrement acidulé sans que le vin ne soit dépourvu de gras, la texture est bel et bien là. Ça se boit tout seul ! (21,50 $ – ***1/2)
Morellino di Scansano, Moris Farms, 2017, Toscane, Italie
Rouge toscan de bonne facture, relativement astringent mais avec une empreinte boisée-vanillée qui l’arrondit quelque peu. Bonne fraîcheur de l’ensemble, qui devrait s’avérer passe-partout, à table. (19,95 $ – ***)
Clos Bellane, Côtes-du-Rhône Villages, Valréas, 2017, France
Premier nez de barbe-à-papa, des notes de cuir et d’herbes ensuite, la mûre également. La bouche suit, attrayante, accessible, le vin est corsé tout en faisant preuve de nervosité, l’acidité étant bien présente par ailleurs. (23,15 $ – ***1/2)
Domaine du Cros, Lo Sang del Pais 2017, Marcillac, France
Original et très bon, ce rouge du sud-ouest de la France élaboré avec le cépage braucol, plus communément désigné sous le nom tout aussi ésotérique que « fer servadou ». Peu importe, cela dit, le vin combine des attributs qui envoie d’un côté dans la Loire (léger arôme de poivron comme avec certains cabernets francs) et de l’autre dans le Rhône, avec ses notes de cuir et d’épices. L’ensemble est assez corsé sans être dépourvu de souplesse ni d’élégance. Franchement, à ce prix, une affaire. (17,70 $ – ***1/2)