Le débat acide du sucre résiduel dans le vin
La religion anti sucre résiduel dans le vin bat son plein au Québec. Trop de sucre résiduel par-ci, trop de sucre résiduel par là… Mais de quoi parle-t-on au juste ?
Selon la SAQ, le taux de sucre de chaque vin est analysé au moins une fois par année ou au changement de millésime par son laboratoire qui procède ainsi, nous dit-on, à quelque 8 000 analyses de ce genre annuellement. Grâce aux pressions du publics et de certains chroniqueurs de vin, ce taux est affiché depuis 2015 dans les fiches des produits sur SAQ.com. Ainsi, à tout bout de champs, dans la chapelle du monde de dégustation au Québec, il y a cette propension générale à mentionner le taux de sucre résiduel.
Le bon côté, c’est que cela a permis de « démasquer » les gros vendeurs de sucre au Québec dont les vins industriels de masse comme le Ménage à trois, le Wallaroo Trail australien (11 g/L), le Revolution Red (10g/L), le Gallo White Zinfandel (45g/L) ou le Apothic Red (16g/L) et autres « friandises ».
D’où vient ce sucre résiduel ?
Non, il ne s’agit pas d’ajouter quelques cuillerées à soupe de sucre pour élever le niveau de sucre. Comme son nom l’indique, il s’agit de sucre résiduel qui demeure dans le vin après la fermentation du moût de raisin qui transforme le sucre en alcool. Mais lors de ce processus, il arrive que tout le sucre ne soit pas tout transformé en alcool. Le vigneron doit alors tenter (ou pas selon son style) d’équilibrer le vin avec l’acidité. Un vin est considéré comme sec si la teneur en sucre résiduel n’excède pas 4 grammes par litre. Vous en conviendrez, ce n’est pas beaucoup. En passant, une canette de Coke de 355 ml contient 35 grammes de sucre, soit 7 morceaux de sucre.
La chasse au sucre
Le problème, c’est que maintenant, le consommateur demande souvent, « moi je veux boire du vin sans sucre résiduel. » D’accord, donc fini le Sauternes et les vins moelleux. Et adieu les champagnes qui ont en moyenne 10 grammes par litre… Oh quelle horreur, disent certains, les bras en l’air. Vite allons chercher du zéro dosage…et bannissons tous les autres… Et le délicieux amarone alors ? Quoi ? 8 grammes par litre ! Vade Retro Satanas ! Hérésie, non ? Et, croyez-le ou non, ceux qui cherchent ce vin « sans sucre » sont parfois les mêmes qui en profitent pour acheter « coolers » et autres sucrerie liquides.
Et l’acidité alors ?
En général, il convient d’équilibrer le sucre avec l’acidité. Il faut savoir que le vin contient entre 2 et 7 grammes d’acides par litre. Cette acidité provient du raisin d’abord et du processus de fermentation ensuite. On parle ici de l’acide citrique (citron), l’acide lactique, l’acide malique ou l’acide tartrique pouor prendre les plus connus. Cette teneur en acidité se mesure aussi en termes de pH. Si le pH est de 7, on parle de pH neutre (comme l’eau). Pour le vin, en général, on parle d’un pH de 3 à 4. En résumé, plus le pH est faible, plus le produit est acide. En résumé, un vin qui manque d’acidité est mou alors qu’un vin très acide sera perçu comme pas assez mûr et peu agréable. Ainsi, un vin sera, selon l’acidité perçue, plat, creux, maigre, équilibré, frais, nerveux, vif, acidulé ou encore agressif.
La mesure de l’acidité est très intéressante mais est très rarement mentionnée par le producteur ou le revendeur puisque tout le monde est braqué contre le sucre. L’arbre cacherait-il la forêt ? En fait, la donnée est théorique puisque chacun perçoit l’acidité différemment, à cause de plusieurs facteurs telles que la production de salive par exemple et la différence entre les papilles gustatives de chacun.
L’acidité aussi importante que le sucre
Si le pH est faible, donc plus acide, il pourra ainsi tempérer un sucre résiduel plus élevé que la normale dans un vin. Et inversement, puisque le sucre réduit la sensation acide que l’on perçoit. Il reste que l’acidité est d’une importance majeure pour la conservation des vins à moyen et long terme puisqu’elle protège le vin contre l’oxydation. Ainsi, de superbes sauternes, portos et autres moelleux peuvent vieillir de si belle façon.
Tout est une question d’équilibre
Donc, cessons d’ériger le sucre résiduel comme une menace. N’oublions pas l’acidité qui est aussi là, pour « jaser » avec le sucre et en arriver à un bon compromis dans le verre ! En conclusion, en appréciant un vin blanc, on doit retrouver si possible cet équilibre entre l’acidité (ce qui vous fait saliver lorsque vous le goûtez), le sucre et l’alcool. Pour le vin rouge, c’est pareil, mais on y ajoute aussi la dimension tannique. Bref, il faut que l’alcool, les tanins, l’acidité et le sucre jouent à l’unisson une bonne partition pour garantir l’équilibre du vin… Donc, pas besoin de bannir champagne, porto, sauternes et autre amarone puisque l’acidité est là pour tenir tête au sucre résiduel… Cessons de sacrifier le vin sur l’autel de la sucrosité…
Au fait, et votre café, avec ou sans sucre ?
En terminant, un article à (re)découvrir sur la question du bon vin…