Les fêtes en bouteilles
Comme vous sûrement, j’ai pas mal picolé ces derniers temps. Pas de cuite en bonne et due forme, cela dit, il s’agit de ne pas désespérer, ça finira bien par arriver…
Par Marc Chapleau
Que je vous raconte, tiens. Je vais essayer d’y aller dans l’ordre, du premier party, le 22 décembre, au dernier, celui du jour de l’An.
Ça a commencé par une sorte de pétard mouillé alors qu’après m’être assuré que personne ne regardait, j’ai commandé un carafon de vin maison (du Jouvenceau en format 4 litres) dans un petit resto sans façon du quartier Rosemont.
Oh là, pas de moqueries !
Primo parce que j’ai demandé à ce qu’on mette ledit quart de litre dans la glace afin de le boire très frais. Et deuzio, parce que la carte des vins était d’une indigence crasse – même pas de Duboeuf ou de Mouton-Cadet sur lesquels se rabattre. Pas sûr pour autant, par contre, que j’aurais jeté mon dévolu sur ces derniers tant les prix étaient élevés. Résultat des courses : j’ai pu trinquer avec la famille élargie sans vendre mon âme au diable – puisque le Jouvenceau, comme bien des vins de ce genre, était malgré tout étonnamment buvable.
La veille de Noël, à Noël même, le lendemain et le surlendemain, on s’est repris. Excellent Chablis d’Isabelle et Denis Pommier, d’abord. Pas aussi vif ni minéral qu’escompté, mais d’une finesse et d’une profondeur dignes de bien des premiers crus. Ensuite, avec un bon vieux steak-frites, toujours à la maison, un saint-émilion, le Château Beauséjour Bécot 2006. Mixed feelings avec celui-ci, c’est riche, c’est concentré, le bois a été digéré, mais l’ensemble manque de tonus, de nerf, de punch. L’acidité ? Possible. S’il m’en restait, ou si j’étais vous, je l’oublierais une couple d’années, on a déjà vu ça, des vins ressusciter.
Dilemme !
Un problème s’est ensuite posé, lors d’un autre souper. On devait boire, en rouge, un magnum de haut-médoc Villegeorge 2016, dont je vous ai parlé dans mon dernier papier, et un Château Taillefer 2007, un pomerol cette fois. Lequel privilégier en premier, comment faire en sorte qu’ils ne se nuisent pas l’un l’autre ?
Il fallait nous voir, les trois passionnés de vin de la tablée, en train d’enfiler les huîtres de l’apéro en nous demandant comment on allait la jouer tantôt, cette partition. Finalement, après s’être refait une bouche et avoir goûté les vins au préalable, la poire fut coupée en trois : on allait écluser une moitié du magnum, puis on passerait au plus prestigieux pomerol tandis qu’il nous resterait des joues de veau dans l’assiette, puis on retournerait à la moitié restante de Villegeorge pour terminer. Raisonnable, non ? (En passant, le Taillefer était évidemment à point et très fondu, 2007 n’a pas été une grande année, mais il était toujours sur son plateau, bien en forme.)
Bon, si je continue comme ça à tout vous raconter par le menu, vous allez devoir faire interminablement défiler l’écran. Concision, concision, concision – sur l’air du mémorable « Rigueur, rigueur, rigueur » du lecteur de nouvelles Pierre Bruneau.
Déception et regret
Les véritables déceptions, parlons-en. Sur environ 12 bouteilles, trois étaient sinon bouchonnées du moins franchement altérées : Château Montrose 2004, Quinta de Vargellas 2015 (eh oui, même les portos peuvent être fragiles) et un Vin de Constance 2008.
Des regrets, maintenant : on aurait dû par ailleurs carafer le superbe Riesling Cuvée Frédéric-Émile 2010 Trimbach – dans le feu de l’action on s’en est bêtement abstenu, peut-être parce que c’était un blanc ; le dernier verre n’en a pas moins jeté des étincelles dans les regards. Idem pour le Beaune Premier Cru Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père 2010, rouge de Bourgogne qu’il aurait été préférable d’attendre encore trois ou quatre ans ou de faire respirer genre 12 heures à l’avance.
Champagne !
Le feu d’artifice : Graham Vintage 2016, d’une insolente jeunesse, avec un fruit à couper le souffle – bien que tout le monde ait survécu, je vous remercie. Comme quoi, et cela vaut pour tous les autres grands vins, on ne doit surtout pas faire l’erreur de ne pas les toucher avant 10 ou 15 ans. Puis un sauternes, qu’on a bu avant le précédent, le La Tour Blanche 2010 : au top de sa forme ! J’ai nommé tous les premiers crus de l’appellation sans tomber dessus, mes gars me l’avaient servi à l’aveugle – comme quoi les élèves savent très bien comment titiller le maître.
Autres perles : Sassicaia 2007, supertoscan « bordelais » qui a toutefois légèrement souffert de la comparaison avec un exquis et très raffiné Domaine de Chevalier 2010. Au final, surtout après un ou deux verres, l’élégance l’emportera toujours sur la puissance et la générosité.
Pour terminer, mon vin de l’île déserte, un blanc et non un rouge, cet amour de ma vie qu’est le chablis…
Superlatif Les Preuses 2008 William Fèvre, d’un irrésistible aplomb, à la fois riche et bourré d’éclat et pas encore complètement à point, même – mais il aurait été dommage, n’est-ce pas, de ne pas lui faire sa fête là, tout de suite, ici et maintenant.
Voilà, c’est tout pour le wine dropping.
Bon début d’année à tous et à toutes, y compris, tiens, aux non-genrés et autres mal-aimés pour qui, soit dit en passant et tout à fait gratuitement, la porte de mes toilettes sera toujours ouverte…
C’est niaiseux, je le sais 😉
À boire, aubergiste !
Hmm… que diriez-vous d’une dry first week de l’année ? Perso ça m’arrangerait, je n’ai bu pour l’essentiel que du vieux stock – lire, provenant de réserves personnelles – durant les Fêtes, pas vraiment de nouveautés à suggérer, quoique… si, quand même, il y a ceci qui a atterri dans mon verre fin 2019 début 2020 et qui m’a paru plutôt bon.
Riesling Classic, Hugel 2017, Alsace, France
Impeccable riesling alsacien, vif et rafraîchissant, avec une finale évoquant la lime. À peine si l’on sent le résiduel, même que ça semble bien sec. À moins de 20 $, un très bon achat. (18,15 $/***1/2)
Bonjour ,
J’ai une question svp.
J’ai commencé a acheter des bouteilles il y a plus de 5 ans que je garde dans un cellier , style cave a vin . Comme certaines bouteilles peuvent maintenant avoir atteint leur apogées je prévois commencer a en déguster maintenant …l’attente a assez durée .
Ce ne sont pas des fioles a $100 mais en moyenne des Margaux , St-Estephe PAulliac qui varient entre $40 et $70 des années 2009 2010
Voici ma question , puisqu’elles sont couchées depuis plus de 5 ans , des dépôts ce sont formés sur la longueur des bouteilles , comment procéder pour minimaliser l’impact a l’ouverture , dois-je les mettre debout longtemps avant ou il y a une autre facon .
Merci