Miroir, miroir, dis-moi…
En plus des salons qui commenceront dès demain à se succéder, une dégustation un peu spéciale a rassemblé des chroniqueurs ce mercredi au Coureur des Bois, réputé restaurant de Beloeil, près de Montréal : l’équipe de Robert Mondavi Winery est en ville dans le cadre du To Kalon Tour.
par Marc Chapleau
To Kalon, c’est ce vignoble mythique de la Napa Valley où Mondavi, entre autres, produit un Cabernet Sauvignon de haute volée. Pour le prouver, le célèbre domaine d’Oakville organise périodiquement un grand événement où son fleuron est dégusté, à l’aveugle, aux côtés de prestigieuses pointures du monde du vin.
Le domaine de Robert Mondavi en Californie
J’ai ainsi souvenir d’une dégustation similaire tenue à Montréal au début des années 1990, où le Mondavi Cabernet Sauvignon Reserve (on ne faisait pas encore explicitement référence au vignoble To Kalon, à l’époque, il a fallu attendre le millésime 2011 pour ça) s’est entre autres frotté aux châteaux Margaux, Latour et Mouton-Rothschild. De mémoire, Latour avait remporté la première place auprès des dégustateurs présents, le « Cab » de Mondavi se faufilant au milieu du peloton.
La bataille Vieux Monde-Nouveau Monde
Bien entendu, toute l’opération était et est sûrement encore cousue de fil blanc ; le rouge californien n’a au départ rien à perdre d’être ainsi comparé aux premiers grands crus de Bordeaux. Arrive-t-il par exemple dernier que les principaux intéressés ne s’en formalisent pas, on se dit que c’est normal, les grands bordeaux trônant depuis tellement longtemps au sommet de la hiérarchie. Finit-il par contre quelque part au milieu de tout ce beau monde qu’on commence à s’échauffer : hé, quand même, faut le faire, être l’égal de certains parmi les vins les plus convoités au monde ce n’est pas rien. Maintenant, l’outsider, l’underdog, appelez-le comme vous voulez, rafle-t-il les grands honneurs en coiffant tous les autres pur-sang au fil d’arrivée, alors là, jouez au bois et résonnez nuisettes ! (Je sais, c’est musettes le bon mot, mais avouez que c’est pas mal plus sexy ainsi. Et oui, c’est « hautbois » aussi, ah, lâchez-moi un peu !)
Mondavi, un peu de sérieux, n’est d’ailleurs pas le seul à mener ce genre d’exercice promotionnel — par ailleurs tout à fait de bonne guerre. Le producteur chilien Errazuriz, notamment, s’enorgueillit d’avoir vu ses cuvées Vinedo Chadwick et Seña très bien paraître — voire, à Berlin, rafler les deux premières places devant les bordeaux et des supertoscans — dans des Tastings savamment préparés un peu partout à travers le monde.
La tentation du gras
Difficile de chipoter, et pas vraiment étonnant : les rouges du Nouveau Monde, avec en règle générale leur acidité moins élevée et leur texture plus moelleuse, paraissent quasi toujours mieux dans ce type de dégustation clinique. Même les palais les plus aiguisés n’échappent pas à cette tyrannie de l’exubérance, la gorgée riche et enveloppante flattant d’emblée les papilles, alors que celle bâtie par exemple autour des tanins ou de l’acidité ne tombe pas d’emblée sous le sens, elle demande à être minimalement apprivoisée et rationalisée avant d’être appréciée.
Les gros canons bien enrobés qui souvent brillent dans ces dégustations comparatives sont-ils meilleurs et, surtout, sont-ils plus désirables pour autant ? Faites un sondage auprès d’amateurs chevronnés, offrez-leur le choix entre une bouteille de Seña arrivé premier et, disons, un Château Lafite qui s’est modestement contenté de la troisième place. Ma main au feu que bien peu opteraient pour le chilien ou même un californien.
Car l’expérience du vin ne se résume pas au seul et unique contenu de la bouteille. Il y a l’histoire derrière le cru, son prestige aussi, l’envie qu’il suscite chez toute personne normalement constituée de se laisser impressionner, de se réjouir, même, de mettre temporairement son sens critique de côté.
Le bon goût de la tradition, disons ça comme ça…
À boire, aubergiste !
Les semaines se suivent, et ne se ressemblent pas. Ainsi je n’ai pas vraiment de bouteilles spéciales à vous recommander cette fois-ci. J’ai bien goûté à divers produits ces derniers jours mais rien n’a vraiment retenu mon attention, je me verrais bien en peine de vous aiguiller dans telle ou telle direction.
De deux choses l’une : vous prenez votre mal en patience, quitte à moins picoler cette semaine ; ou vous vous rabattez sur l’une ou l’autre des suggestions publiées sur notre site par le collègue Frédéric, qui est beaucoup plus assidu que moi et je l’en félicite 😉
Mais… un instant, je parle beaucoup et je dégaine trop vite. Malgré ce désert dont je me réclame passagèrement, un mousseux a tout de même atterri sur ma table en fin de semaine dont je pourrais bien vous parler.
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Ottopiu, Prosecco Brut V8 +, Sior Carlo, Brut Millesimato, 2018, Italie
Ne riez pas, cela dit : il s’agit d’un Prosecco Brut V8 +. En nos contrées du moins, en Italie sûrement pas, voilà qui connote le jus de légumes — enrichi ou avec beaucoup de fibres. Mais qu’importe, puisque ce mousseux italien se tire bien d’affaire avec son nez parfumé attrayant et ses saveurs pas trop sucrées, bien qu’elles le soient un peu. Légèreté et fraîcheur sinon, et bon rapport qualité-prix. (17,95 $)
Ouf, au moins un vin ! Ça a bien failli être une semaine sans…