Petit vlimeux !
Ça se passait samedi dernier. Après un superlatif Chablis Grand Cru Bougros 2016 de William Fèvre, place à un Gevrey-Chambertin 2010 d’Armand Rousseau, la cuvée d’entrée de gamme, pour ainsi dire, du célèbre domaine bourguignon.
par Marc Chapleau
Encore un peu jeune, sûrement, le gevrey. Mais comme je n’en avais qu’une bouteille, on connaît tous la chanson, mieux vaut l’ouvrir trop tôt que trop tard. En accompagnement, des joues de veau amoureusement braisées, tendres au point de se décomposer dans l’assiette à la seule vue de la fourchette.
Je débouche la bouteille, je goûte. Il est 16 h 30. Ça promet mon homme, dis-je à ma blonde, ce n’est pas très ouvert mais c’est serré, la matière est là et surtout on sent le fruit, tout près, qui ne demande qu’un peu d’oxygène pour se déployer.
Opération transvidage : le vin fait quatre ou cinq fois l’aller-retour de sa bouteille d’origine à une autre, vide et préalablement rincée puis avinée. T’es encore gêné, mon tout petit, t’as besoin de temps pour t’exprimer, vas-y, laisse-toi aller, booon, ça s’en vient, on y est presque, repos maintenant, à tout à l’heure…
Trois heures plus tard, on s’installe pour manger. Le vin versé, nous plongeons tous dans nos verres.
Silences. Regards perplexes, moues en voie de s’esquisser.
« Hé bien, hé bien, lançai-je pour détendre l’atmosphère, messire Rousseau, là, tout de suite, n’est pas très bavard on dirait… »
Tu rigoles, Anatole. Le vin s’était refermé ! Il se goûtait encore bien, la fraîcheur était là, le caractère digeste, mais envolées les prémices que j’avais bel et bien perçues une couple d’heures avant. Et moi qui avais promis la lune aux autres convives, vous allez voir, ça va chauffer…
On dira ce qu’on voudra, on a raté le coche pas mal avec cet espèce de pétard mouillé.
La soirée, en ce qui me concerne du moins, s’est néanmoins conclue par un sourire. Être pris de court par une bouteille, ne plus trop savoir sur pied danser, se questionner, ergoter, engager les hostilités avec le convive à côté… Fun, fun, fun !
Comme dirait un certain conseiller en vin de la SAQ Beaubien, c’est pour ça qu’on boit du vin.
Frustrant Courrier viticole
Si je n’avais qu’une bouteille de cet Armand Rousseau en cave, c’est à cause du fichu Courrier viticole, le programme de vente par correspondance de la SAQ et sa damnée loterie d’attribution. Même effet pervers avec les fameux chablis de Raveneau, par exemple, que personne ou presque ne réussit à se procurer.
En passant, le monopole couronne le tout en laissant apparaître sur son site quantité d’excellents vins qu’elle n’a plus en stock depuis longtemps – dont ces Raveneau. Ça leur fait une belle jambe, bravo, quelle magnifique offre de produits, mais pour nous consommateurs, grrr !
Après le pot, la fleur maintenant : les recettes qu’on retrouve sur saq.com sont bonnes, dans l’ensemble.
Y compris celle pour les joues de veau.
À boire, aubergiste !
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Rocca delle Macie Chianti Riserva 2015 – Un bon petit chianti, cela dit sans condescendance, le vin est très satisfaisant, léger, certes, peu coloré, mais aussi acidulé et juste assez fruité, avec un boisé fondu et discret. Très bon rapport qualité-prix.
Zinfandel Terre Rouge Easton Amador County 2015 – Un zinfandel modèle, avec un léger arôme pas déplaisant du tout de feuille de tomate, du fruit et de la concentration par ailleurs, des accents réglissés, l’alcool est en bride, l’acidité est bien présente, et on perçoit peu le résiduel (5 g). Amador County, pour info, c’est à environ 200 km à l’est de San Francisco, et sauf erreur, contrairement à Sonoma, ils n’ont pas eu chaud là-bas dernièrement. (28,40 $ – *** 1/2)