Une (pas si) petite année et de bonnes surprises à Sancerre
Profitant de la Foire aux Vins d’automne de Sancerre, nous avons rencontré les vigneronnes et vignerons des différentes communes qui composent l’appellation. Nous étions bien sûr là pour goûter les 2020 et millésimes antérieurs mais les discussions ont vite tourné autour de 2021, de ses accidents climatiques, de ses difficultés et des premières bonnes impressions en cave. Petit tour automnal en Sancerrois.
Par Benoit Roumet*
Le vignoble de Sancerre
Surface : 3 007 hectares
Région : Centre-Val de Loire
Département : Cher
14 communes : Bannay, Bué, Crézancy, Menetou-Ratel, Ménétréol, Montigny, St-Satur, Ste Gemme, Sancerre, Sury en Vaux, Thauvenay, Veaugues, Verdigny, Vinon
3 hameaux : Amigny, Chavignol et Maimbray (Source : Sancerre, vins du Centre-Loire)
Au nord de l’appellation
On démarre par Verdigny avec Le Domaine Pierre Prieur et Hyppolite Reverdy. « En blanc, on va faire une demi-récolte ce qui est une très bonne surprise. Au-delà du gel, le contrôle du mildiou a été très compliqué. Au vu de la très petite récolte en pinot noir, on a choisi de ne pas faire de rouges mais des rosés. Pour les blancs qui finissent de fermenter, on a des attaques sur les agrumes, c’est aromatique et ça se goûte déjà pas mal du tout. »
À Maimbray, Rémi Joulin (Michel Vattan) confirme que « les rendements sont petits à cause du gel. On a attendu pour démarrer le 27 septembre et vendangé pendant deux semaines. Les petites pluies de septembre ont finalement permis aux baies de se liquéfier et de se mettre en jus. L’état sanitaire s’est très bien tenu ce qui a permis de vendanger les parcelles les plus fragiles en premier. Moi qui débute, je n’ai jamais connu un équilibre comme cette année mais c’est très intéressant.«
À Sury-en-Vaux, chez Paul Doucet : « Ça a été compliqué toute l’année avec des secteurs qui ont pris très cher avec le gel et une petite grêle à la Pentecôte qui a un peu abimé les bois. Au niveau des maladies, on a réussi à les contenir sans trop de soucis. A la vendange, l’état sanitaire s’est tenu, ce qui nous a permis d’attendre la pleine maturité. Les premières cuves qui ont fini leur fermentation se goûtent bien avec un bel équilibre alcool-acidité. »
À Sainte-Gemme, les vignes autour du village ont payé un lourd tribut au gel, mais l’est de la commune, vers Cosne-sur-Loire, a été épargné. Pour Olivier Foucher : « On s’en tire pas si mal au final, avec de bons rendements sur les parcelles qui n’ont pas été touchées. Ce qui fermente est très prometteur avec des alcools plus « classiques » et une belle fraîcheur qu’on a plaisir à retrouver après les dernières années plus chaudes, »
À l’Ouest du vignoble
À Montigny et Veaugues, Mathieu Deshais a été agréablement surpris. « On avait des raisins qui commençaient à se dégrader mais, au final, la pourriture n’a pas tourné au gris et on a de très bons jus. La deuxième semaine nous a amené de belles évolutions aromatiques. On a également de très jolis pinots noirs. »
À Crézancy, Benoît Champault (Roger Champault et Fils) : « On finit à – 40% pour les blancs et – 70% pour les pinots noirs qui sont malgré tout très jolis. On a démarré le 20 septembre par le Clos du Roy qui est toujours le plus précoce et ensuite les pentes argileuses avec des raisins qui ne pouvaient plus attendre. Au final on va avoir un millésime moins charnu avec plus d’acidité mais moins que ce que l’on craignait. Pour moi, on aura même un équilibre plus intéressant que 2018. Côté pinot noir, on va faire des rouges plus légers, très orientés sur le fruit. »
À Menetou-Ratel, chez Claude et Clément Raimbault « avec des vendanges assez précoces, on finit sur une demi-récolte avec un retour au classique. »
Un hotteur à Sancerre
Au centre
À Bué, pour Steve Millet (Domaine Gérard Millet) « Le gel a fait du mal, entre autres à cause de la neige qui est tombé pendant la nuit. Mais au final c’est mieux que prévu. Au niveau équilibre c’est très bien. J’ai fait des rouges et pour l’instant j’en suis très satisfait. »
Pour Maxime Lemain (Domaine Lemain-Pouillot) « ça faisait très longtemps qu’on n’avait pas eu de botrytis sur grappes mais au final, c’est très bien. Avec des jus moins sucrés et plus frais, je pense qu’on aura des potentiels de garde plus intéressants que 2018 ou 2020. Avec des arômes de poire, de pêches et d’agrumes on va s’éclater à déguster du « vrai « sauvignon. »
À Amigny, chez Nicolas Millérioux « on a été très touchés par le gel et bizarrement, ce sont les parcelles qui ne gèlent jamais qui ont été les plus impactées. J’ai réussi malgré les petites quantités à faire un peu de rouge. Pour les blancs, on revient en Loire avec des fraîcheurs qu’on n’avait plus ces dernières années. »
Côté Chavignol pour Gérard Boulay « ça a été compliqué de A à Z. Beaucoup de boulot pour pas beaucoup de résultat en quantité mais qualitativement c’est bien avec des vins blancs qui finissent à 12,5 et de bonnes acidités pour un équilibre plus classique. »
À Saint-Satur, chez Patrick Noël, « on n’a pratiquement pas eu de gel sur la commune contrairement aux autres villages. après au niveau protection du vignoble, comme il n’y avait pas grand-chose à protéger c’était assez facile. »
À Sancerre, chez Claire Bonnard « les vendanges se sont bien passées. Les jus étaient bien meilleurs que les raisins que l’on goûtait qui étaient assez amers. Les fermentations sont quasiment finies. Je trouve une belle tension sur les silex, des notes citronnées. Un beau retour sur les classiques. »
Vendanges en Sancerre avec vue sur la Loire
Au sud et côté Loire
À Ménétréol, Chanel Gitton confirme que « les vignes de Ménétréol, où la végétation était moins en avance, ont été épargnées par le gel. À la cave, on retrouve des degrés plus dans la norme pour des vins blancs qui seront plus classiques. »
À Thauvenay et à Vinon, pas de gel non plus. Pour Anthony Girard (La Clé du Récit) « alors que Thauvenay est assez précoce, le gel n’a pas fait de dégâts dans les blancs mais a plus touché les pinots noirs. Les assemblages des blancs vont permettre de proposer de jolis vins, entre fraîcheur et fruité. »
Au final, Sancerre va connaître une récolte au niveau attendu, voire un peu mieux pour les blancs.
En terme de style, côté sauvignon, un retour au classicisme à confirmer. Côté pinot noir, très touché par le gel, on aura plus de rosés que d’accoutumée mais également quelques rouges.
De mémoire de sancerrois, les années en « 1 » n’ont jamais été de très grands millésimes (c’est un doux euphémisme). 2021 pourrait bien être la première exception qui confirme une règle plus que centenaire.
Titulaire du Master of Wine management de l’OIV, Benoit Roumet a rejoint, à sa création, le Bureau Interprofessionnel des Vins du Centre (BIVC) qu’il a construit et dirigé pendant plus de 25 ans. Aujourd’hui consultant vins et sakés (avec Juli son épouse, sommelière japonaise), il anime également un blog (www.sakeloire.com) consacré, entre autres, aux vins de Loire et aux sakés japonais.
Les suggestions de Toutsurlevin
La Moussière, Sancerre, Alphonse Mellot, 2020, Loire, France
Ce sauvignon blanc claque en bouche, ravive les papilles et cajole le palais. La fermentation s’est faite moitié-moitié en cuve et en barriques neuves alors que l’élevage sur lies s’est réalisé pendant 7-8 mois. Citron, pamplemousse, fleurs blanches et des notes « d’eau qui coule sur une pierre » se partagent le haut de l’affiche dans le verre. (33,50$)
Château de Sancerre, 2019, Sancerre, Val de Loire, France
Ce n’est pas parce qu’il fait partie des moins chers que ce Sancerre doit être dénigré, bien au contraire. Il m’a paru particulièrement gourmand ce millésime qui affiche 14% d’alcool. Belle impression de minéralité grâce aux différents terroirs du domaine (silex, terres blanches et caillottes). De belles notes florales et d’agrumes emballent le tout. Très bon. (26,90$)
Sancerre, La Chatellenie, Joseph Melot, 2019, Loire, France
Quand le sauvignon blanc est aux anges, c’est assurément dans l’appellation ligérienne de Sancerre. Cette très bonne maison de la Loire offre ici un sauvignon des plus croquants aux nuances minérales marquées. Le terroir de silex y est évidemment pour quelque chose. C’est intense et délicieux. (26,35$)