Le merlot, ce grand mal aimé…à cause de Sideways
Vous avez déjà probablement déjà entendu cette réplique célèbre de la bouche de l’actor Paul Giamatti qui répondait à son collègue Thomas Hayden Church dans le désormais classique film « Sideways » : « I’m Not Drinking Any Fucking Merlot » Pas question de boire du foutu merlot…Croyez-le ou non, mais cette phrase a coûté pas mal cher aux producteurs de merlot en Californie mais aussi ailleurs dans le monde. Quinze ans plus tard, le merlot mérite pleinement sa réhabilitation.
Le merlot ne date pas d’hier puisque’il est apparu au 18e siècle sur la rive droite à Bordeaux. Connu pour son côté velouté, riche, fruité et pas trop tannique, ce cépage rouge est devenu iconique dans le Bordelais, notamment avec le fameux Château Pétrus ou encore en assemblage dans les « St-Émilion grand cru classé » tels que le Château Cheval blanc qui, soit dit en passant, fut bu, dans son millésime de 1961, par Miles, le personnage de Sideways dans un restaurant « graisseux » pour accompagner un hamburger.
Le velouté merlot
Après le succès du merlot en France, ce cépage s’est répandu en Italie notamment au sein des supertoscans aux côtés du sangiovese et cabernet sauvignon. En Californie, les vignerons ont commencé à le vinifier en monocépage, donnant des vins assez costauds avec beaucoup d’extraction du fruit, parfois même à surmaturité, conduisant à la production de merlots plutôt lourdauds, manquant d’acidité et de typicité. Il n’en fallait pas plus pour que la toute puissante Hollywood y mette son grain de sel avec la sortie du film Sideways en 2004. (à revoir ici en extrait)
L’effet sur le merlot a même été analysé (voir ici), décortiqué et a démontré aux États-Unis, une érosion des ventes et une augmentation en faveur du pinot noir, le cépage adoré de Miles (Paul Giamatti). Il apparaît toutefois que l’effet positif a été plus grand sur le pinot noir que celui, négatif sur le merlot. Il reste que, même si les ventes de merlot ne se sont pas écroulées, l’impact sur l’inconscient collectif face au merlot est encore présent en 2019. Pour en avoir parlé avec des vignerons d’un peu partout qui cultivent le cépage, peu d’entre eux portent le film dans leur cœur.
Le merlot de moins en moins populaire au Québec
Suivant la tendance mondiale, force est de constater que le merlot a perdu pas mal de « feuilles » chez nous depuis les 15 dernières années. L’effet Sideways, peut-être mais pas seulement. Ainsi dans son rapport annuel, la Société des Alcools du Québec plaçait le merlot en deuxième position parmi les cépages rouges à 12 %, loin derrière le cabernet sauvignon.
Or, si l’on se fie au rapport annuel de l’année 2005, il occupait la première place devant celui qui l’a détrôné avec justement 26% et ce sans compter les assemblages avec les cabernets.
Renaissance du merlot
Si le film a fait mal, il a aussi permis aux producteurs de merlot de se ressaisir et de raffiner la vinification du merlot qui était devenue il faut le souligner un peu caricaturale voire nonchalante et paresseuse. Aujourd’hui, le merlot mérite plus que jamais sa place dans les salles à manger du monde entier. Le côté velouté, très « prune, cerise et cassis » du cépage est toujours recherché parmi les régions productrices en climat plus frais (Bordeaux et Italie) avec davantage de tanins et de côté terreux que ceux produits dans les régions plus chaudes (Californie) où la facette soyeuse du fruit très mûr tend à garder le haut de l’affiche. Mais cela change petit à petit chez nos amis de la Côte Ouest. Pour le meilleur d’ailleurs…
Château Garraud, 2015, Lalande-de-Pomerol, Bordeaux, France
Voici un Lalande de Pomerol mur, rondelet, mi-corsé axé sur la cerise mûre et une trame épicée. Plutôt raffiné, on profite ici de la richesse du merlot de la Rive Droite bordelaise. Vinifiée dans un très bon millésime, il peut tenir la route encore quelques années sans problème. Bel exemple d’élégance. On se fait plaisir ? (32,10$)
Decoy, Merlot, 2017, Sonoma County, États-Unis
L’étiquette ne trompe pas avec son canard en évidence, il s’agit bel et bien la marque d’entrée de gamme de la maison californienne Duckhorn. Avec 96% de merlot, ce vin est le parfait exemple d’un merlot de Sonoma County avec sa rafraîchissante acidité. Bleuets, framboise et cassis sont au rendez-vous. Les tanins sont soyeux et le boisé n’empiète pas trop sur le fruité. Charmeur. (33,75$)
Do Ut des Carpineta, Fontalpino, 2013, Toscane, Italie
Puisqu’on parle de supertoscans, en voici un qui ne donne pas sa place. Merlot, cabernet sauvognon et sangiovese sont ici à parts égale et donnent un vin typé avec beaucoup de cerise, des effluves de tabac blond et de boîte à cigares. C’est très long en bouche et en fraîcheur. Du beau travail mais disponible en quantité limitée. (43,50$)
Château Belle Prise, 2015, Pomerol, Bordeaux, France
Pour goûter le fin du fin, rien de tel que d’y aller avec ce Pomerol produit à seulement 800 caisses par an ! Vinifié par un Bordelais, docteur en droit qui a tout quitté pour s’acheter le vignoble de 2 hectares du Château Belle Prise en 1991. Des vieilles vignes, pas d’enzymes, ni filtration, ni collage, quasiment en en nature. Avec un peu de cabernet franc, ce merlot a passé un an en chêne et 4 mois en bouteille. Le nez riche, pur, minéral avec un beau fruité, beaucoup de fraîcheur avec une belle accroche. Truffé et soyeux. Une poignée de bouteilles en succursales seulement. (223$)
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