L’Italie débarque dans vos verres
Il est loin le temps de la bouteille de chianti recouverte de son petit panier en osier. Depuis 30 ans, les Italiens ont dépoussiéré leur image, se sont mis au goût du jour et ont agressivement conquis des parts de marché, aux dépens des Français qui se sont assis « sur leurs vignes ». Voici un bref éventail de vins à découvrir ou à redécouvrir.
Par Frédéric Arnould (lefred@toutsurlevin.ca)
Il faut dire que l’an passé, l’Italie a repris la tête du palmarès des plus grands producteurs de vins du monde, damant le pion à la France. Alors que la production française stagnait en 2015 à 47,3 millions d’hectolitres, l’Italie, elle, augmentait de 10% sa production pour atteindre presque 49 millions hl. Pas étonnant que les vignerons de la « botte » font des pieds et des mains pour rester en haut du classement et tasser la France qui, il faut le dire, semble manquer de pugnacité sur le marché. C’est le résultat aussi d’une attitude française du « tout m’est dû ». Après tout, c’est bien connu, la France fait le meilleur vin du monde, pas besoin d’en faire la promotion ! Erreur monumentale, les goûts se sont tantôt raffinés, tantôt amplifiés vers d’autres contrées et continents. Au Québec, la SAQ a vu les goûts changer également. Même si la France est encore la championne toute catégorie en termes de ventes avec 30% (on est loin des plus de 50% d’il y a quelques décennies), l’Italie la talonne à 23%.
Le petit côté latin du Québec ressort ces jours-ci avec de multiples visites des ténors du vin italien à Montréal. À commencer avec le Baron (32ième du nom) Francesco Ricasoli, un homme très affable, qui continue d’expérimenter dans le domaine vinicole de Brolio. Toscan par excellence, il produit des « chianti classico » pas piqué des vers, à la façon traditionnelle (ou plutôt classique dirons-nous) mais aussi plus aventureuse, à la recherche d’une nouvelle clientèle peut-être.
Brolio Bettino, Chianti Classico, 2013
C’est le cas avec ce chianti qui a pris le nom du premier baron de la lignée. Ce vin est souple et ferme à la fois, avec des arômes de cerises noires, de mûres et quelques notes minérales et d’herbes. Avec 90% de sangiovese, c’est « plein en bouche » avec une belle finale. Si vous en trouvez, sautez dessus, il vous surprendra. (34,55$)
Si vous pouvez vous le permettre, je ne saurais trop vous conseiller le Chianti Classico, Gran Selezione 2011. Un beau millésime pour ce beau vin, complexe, élégant et généreux. Le 20 % de merlot et de cabernet sauvignon ajoute une fermeté et une profondeur à cet excellent sangiovese. (49,75$)
Autre coin de l’Italie tout aussi fascinant que la Toscane, Pio Cesare vous emmène dans le Piémont, entre les fraîches Alpes et la chaude Méditerranée. On reconnaît le nom, tellement qu’on pense qu’il s’agit d’une maison qui doit produire des millions de bouteilles. Et pourtant, on pourrait qualifier Cesare de producteur « artisanal » dans le contexte italien où il ne produit « que » 400 000 bouteilles. Pio Boffa, de la quatrième génération de vignerons, est un bon vivant, volubile et fier de ses vins. Lui aussi veut dépoussiérer des barolos et barberas de la région, parfois considérés comme des vins « clichés » massifs et sans surprise.
Pourquoi ne pas sortir des sentiers battus et essayer ce Gavi, avec son cépage 100% cortese. Ce blanc est frais en bouche avec un côté très citronné, avec quelques notes d’ananas. C’est clair, net et précis. Oui, c’est plus cher qu’à l’accoutumée pour un blanc, mais ça vaut toujours la peine de sortir du cadre des traditionnels sauvignon blanc, chardonnay et consorts. (24,20$)
Pio Cesare, Barbera d’Alba, 2013
Son barbera est délicieux, plein de fruits, avec une bouche ample. C’est pulpeux, le bouquet est élégant et la finale en bouche est agréable et rassasiante. Du beau jus qui vous fera passer une bonne soirée, accompagnée d’un plat viandeux. (24,80$) Sinon, faites-vous plaisir pour dans quelques années, achetez son Barolo 2011. Ce vin est impressionnant par sa matière en bouche. Il est encore dans son enfance, mais il vous rapportera des dividendes à la banque du plaisir vineux dans quelques années. (64,25$)
Déplaçons-nous enfin vers la Vénétie, sur les bords du Lac de Garde, dans les vignobles de la Valpolicella et de Lugana. Encore une histoire de famille. Normal me direz-vous, c’est l’Italie. Alberto Zenato aime vanter ses vins qui, il faut le dire, sont très charmeurs, jamais racoleurs. Il y a dans ses vins, parfois capiteux comme l’Amarone, une bouche ronde avec une agréable sucrosité.
Zenato, Alanera Rosso Veronese, IGT, 2012
Prenez par exemple ce vin qui arrivera le 4 mars dans votre succursale. Un assemblage de corvina, de rondinella et de corvinone qui fait la part belle aux fruits mûrs, chauds (mûres et prune) et à des notes épicées. Tout cela tient au séchage pendant 3 mois des raisins, afin qu’ils concentrent le sucre du fruit, c’est la technique de l’appassimento. C’est vraiment bien fait et cela plaira à ceux qui ont un petit peu la dent sucrée. (20,25$)
Zenato, Cormi, Corvina-Merlot, 2010
J’avoue avoir un petit faible pour ce vin. À ce prix-là, il faut en profiter. Un vin frais même avec ses accents de prunes confiturées et ses notes boisées. C’est souple en bouche, les tanins sont soyeux et la finale est satisfaisante pour un vin de cette gamme-là. (18,65$)
Bref, l’Italie, très présente sur la scène mondiale du vin mérite sa remontée dans le cœur des amoureux du jus de raisin fermenté. Allez-y, découvrez-les. À la bonne vôtre ! E tutti quanti !