Du vin bio, nature, en biodynamie ou en agriculture raisonnée ? Comment s’y retrouver?

Comment s'y retrouver

Les approches biologique ou biodynamique et les vins nature aspirent à dénaturer le moins possible la matière première. Considérant que certains additifs engendrent cet effet non désiré, quelques-uns sont autorisés dans l’agriculture biologique, beaucoup moins en biodynamie et aucun pour les vins nature, mis à part un peu de sulfites. Découvrons-les plus amplement !

Par Jessica Harnois et Mélanie Frappier

Agriculture raisonnée et durable

Cette approche vise à limiter l’impact de l’activité agricole sur l’environnement. Les produits chimiques artificiels ne sont pas interdits, mais leur utilisation est restreinte au minimum. Le traitement de la vigne se fait alors uniquement lorsque c’est requis, plutôt que par prévention. 

Afin de réagir au bon moment, les viticulteurs gagnent à acquérir une compréhension approfondie des cycles de vie des parasites et maladies s’attaquant aux vignes, en plus de surveiller les prévisions météorologiques. Ainsi, plutôt que d’utiliser un calendrier prédéfini de pulvérisation de pesticides, on procédera uniquement lorsque son utilisation sera la plus efficace. Ceci en diminue alors la fréquence. 

agriculture raisonnée

De plus, en vue de gérer les parasites, la présence de certains prédateurs peut être encouragée de manière à assurer un contrôle naturel. Il en résulte donc une biodiversité au sein du vignoble puisqu’une variété de plantes cohabitent offrant un milieu de vie propice aux prédateurs souhaités. 

Agriculture biologique

L’agriculture biologique reprend plusieurs des principes découlant de l’agriculture raisonnée et durable. À cela s’ajoute des restrictions quant aux pratiques et produits autorisés (engrais, fongicides, pesticides, produits chimiques de synthèse) ainsi que les quantités permises. Par ailleurs, les vendanges manuelles sont privilégiées.

agriculture bio

Une accréditation est requise si un vigneron souhaite afficher la culture biologique de ses raisins sur l’étiquette. Avant de recevoir cette certification, une période de conversion du vignoble est requise au cours de laquelle les techniques utilisées doivent rencontrer les standards biologiques. A noter que plusieurs organismes de certification existent et n’utilisent pas nécessairement les mêmes critères. Cela signifie que certains raisins sont soumis à des exigences plus strictes que d’autres. 

Agriculture biodynamique

Cette approche se base sur les travaux de Rudolf Steiner (1861-1925), un occultiste autrichien, et Maria Thun (1922-2012), une pionnière allemande de l’agriculture biodynamique. 

Aux principes biologiques s’ajoute une approche philosophique et cosmique. Les pratiques viticoles sont donc influencées par les cycles des planètes, lunes et étoiles. La biodynamie autorise encore moins de pratiques et produits que l’agriculture biologique. Des préparations homéopathiques sont utilisées pour fertiliser le sol et traiter les parasites et maladies.     

Biodynamie chez M. Chapoutier

Biodynamie chez M. Chapoutier

Demeter est un organisme de certification créé en 1932 certifiant les pratiques biodynamiques alors que Biodyvin est une association regroupant une centaine de vignerons ayant recours à la biodynamie.

Vin nature : rien d’ajouté, rien d’enlevé

Contrairement aux trois concepts décrits précédemment qui circonscrivent la manière de travailler la vigne, celui-ci vise en plus les processus de vinification. Habituellement, les raisins d’un vin nature sont issus de l’agriculture biologique ou biodynamique. 

Le vin nature signifie qu’un minimum d’interventions a eu lieu dans toutes les étapes de son élaboration: un minimum d’éléments ajoutés ou enlevés au jus de raisins. Pas d’ajout de levures en cours de fermentation, d’enzymes ou de produits de synthèse lors de la vinification et de l’élevage. Et rien d’enlevé, comme par exemple par filtration, ce qui engendre parfois des vins brouillés dans le verre et présentant un dépôt dans la bouteille.

Vin nature

Le vigneron surveillera tout de même l’évolution du vin tout au long de sa production, mais ses interventions seront réduites au minimum. On peut donc en déduire que la production de vin nature s’avère très exigeante pour les vignerons, car le recours à plusieurs produits ou techniques pour réagir à des enjeux qui pourraient émerger en cours de vinification et d’élevage n’est pas une option. Le résultat représente alors l’expression des raisins et du terroir dépouillés de tout artifice.

Et les sulfites dans tout ça?

Tous les vins contiennent des sulfites! En effet, le processus normal de fermentation, au cours de laquelle les levures transforment le sucre en alcool, produit du dioxyde de soufre. Ce principe inclut donc également les vins nature.

La nuance vient plutôt au niveau de la quantité de sulfites se retrouvant dans la bouteille et si ces sulfites ont été ajoutés en cours de processus de vinification et d’élevage. Le soufre ayant des propriétés antiseptiques et antioxydantes, il contribue à la stabilisation du vin. En effet, il agit sur les levures et permet d’éviter qu’une nouvelle fermentation non désirée se produise dans la bouteille. Ainsi, de petites doses sont ajoutées juste avant l’embouteillage de plusieurs vins nature et la vaste majorité des vins biologiques en contiennent également. 

Sulfites dans le vin

Source : Bon Appétit

A titre indicatif, les vins rouges nature ont de 0 à 30 mg/litre de sulfites ajoutés alors que les vins rouges biologiques européens peuvent avoir un maximum de 100 mg/litre de sulfites ajoutés et jusqu’à 150 mg/litre pour les vins européens conventionnels.

Grâce à leur climat sec et chaud, où la menace de moisissures et de maladies est moindre, certaines régions bénéficient de conditions plus favorables et propices à l’agriculture biologique et biodynamique. On pense notamment à l’Afrique du Sud, l’Argentine, le Chili et le sud de la France.

Ceci dit, de tels vins proviennent aussi de plusieurs autres régions du monde, dont ceux-ci :  

Domaine de Montcy, Cheverny, Loire, 2020, France

Ce domaine de la Vallée de la Loire est certifié biologique depuis 2012 et biodynamique par Demeter depuis 2015. Les vins sont élaborés sans ajout de levures ou d’enzymes et avec une utilisation minimale et contrôlée de soufre en vue de maximiser l’expression du terroir.

Domaine de Montcy Cheverny 2020Ce vin est issu de sauvignon blanc à 80% et chardonnay à 20%. Il déploie des arômes herbacés et de minéralité accompagnés de fleur blanche, citron et pomme jaune relevés d’une touche de miel. Le chardonnay ajoute de la rondeur et rend la bouche chaleureuse. A la dégustation, ce vin sec offre d’ailleurs une belle longueur. Il est tout à fait indiqué pour l’apéritif et restera judicieux pour accompagner une volaille. (19,95$)

Caprili Ilex, Toscana, 2020, Italie

Le vignoble Caprili utilise uniquement les raisins cultivés sur ses parcelles de Montalcino et Cinigiano. Les vignes se situent à des altitudes allant de 225 à 340 mètres. Elles bénéficient d’une exposition sud-ouest en direction de la mer, profitant ainsi d’une bonne circulation d’air qui repousse l’humidité et, conséquemment, la création de champignons qui pourraient attaquer la vigne. Ce positionnement favorise les interventions réduites et l’utilisation minimale de produits. Le recours aux levures naturelles présentes sur la peau des raisins est privilégié. Le processus de vinification se fait donc tout naturellement.

Caprili Ilex Toscana 2020Ce vin nature est composé à 100% de sangiovese provenant de Montalcino. Il révèle des arômes variés de fruits mûrs, tels que la cerise et les baies, d’épices, de cuir et de sous-bois. Les tannins donnent du corps à ce vin sec présentant un taux d’alcool de 14%. Un passage en carafe une heure avant la dégustation lui sera bénéfique, en plus d’être aux aguets lors du service, car la bouteille pourrait contenir un dépôt. Il accompagnera très bien un plat de pâtes à la saucisse italienne et au parmesan. (15,54$)

Finca Villacreces, Pruno, Ribera del Duero, 2019, Espagne

Le vignoble espagnol de Finca Villacreces se situe à une altitude de 700 mètres et subit de grandes fluctuations de températures, passant d’hivers longs à des étés secs avec de faibles précipitations. Il est favorablement planté au nord de la rivière Duero et au milieu d’une forêt de pins matures de 200 ans offrant ainsi une protection contre les conditions climatiques extrêmes.

Finca Villacreces Pruno Ribera del Duero 2019Ce vin issu de la viticulture biologique est un assemblage de tempranillo à 90% et de cabernet sauvignon à 10%. Il présente une belle robe rubis avec des reflets violacés. Son nez fruité de cassis et de bleuets s’accompagne de notes poivrées, grillées et caramélisées provenant de l’élevage de 12 mois en fût français. En bouche, on note un peu d’astringence et une belle souplesse des tannins. Il sera tout indiqué avec un carré d’agneau aux herbes. (22,55$)

Être certifié biologique ou biodynamique, ou se présenter en tant que vin nature n’est pas en soi un gage de qualité. D’ailleurs, plusieurs vins élaborés selon ces principes ne s’affichent pas comme tels. Voilà une invitation à s’intéresser aux vignerons, à leurs méthodes de travail et ainsi découvrir l’étendue de leur savoir-faire ! Santé !

Sommelière, conférencière et entrepreneure, Jessica Harnois est aujourd’hui une personnalité publique reconnue dans le domaine des affaires et une sommité influente de la sommellerie au Québec mais également à l’international. Elle remporte en 2019 le Prix Femmes d’affaires du Québec (catégorie petite entreprise) décerné par le Réseau des femmes d’affaires du Québec. Au printemps 2021, elle lance le Club de vins Jessica Harnois dans lequel elle offre des cours en ligne.

Avocate et sommelière, Mélanie Frappier s’implique dans le développement du Club de vins Jessica Harnois, notamment pour le Club VIP (vins d’importation privée). Elle anime aussi des dégustations de vins basées sur le jeu Vin mystère et rédige des chroniques en collaboration avec Jessica Harnois. De plus, elle cumule une vingtaine d’années d’expérience en cabinets d’avocats et au sein des services juridiques d’une grande entreprise, dont 10 ans en tant que gestionnaire d’équipes et de projets. La sommellerie est sa nouvelle passion.